Mohamed Bouchama, ancien secrétaire général du ministère des Travaux publics, revient sur le processus de lancement du projet de réalisation de l’autoroute et insiste sur «la réussite de ce défi». Le juge lui demande comment il a connu Chani. Mais Bouchama insiste sur les nombreux problèmes auxquels le ministère a été confronté vu l’importance du projet.
«Nous n’avons pas attendu Chani pour régler ces problèmes. Nous avons travaillé sur les statuts nouveaux de l’ANA et la nouvelle loi sur l’expropriation. Lorsque le Président a donné son accord, en 2005, pour que l’Etat finance le projet, un avis d’appel d’offres a été lancé par l’ANA. Trois soumissionnaires ont répondu avec des montants de 632 millions de dollars, 779 millions de dollars et 944 millions de dollars. Nous ne voulions pas rendre publics les montants pour pouvoir faire étudier les trois offres par la commission nationale des marchés. Lorsqu’elle a examiné le dossier…»
Le juge : «Qui a parlé de surcoût ?» L’accusé : «Je ne sais pas, peut-être les gens qui voulaient perturber le projet. Nous avons entendu parler de réunions dans les ambassades consacrées à ce projet. Malgré cela, le dossier a été présenté en Conseil des ministres en juillet 2006.
Le doute est resté. L’annulation de l’avis d’appel d’offres a été proposée afin de lancer une autre consultation. Mais il y a eu, entretemps, la visite d’un bureau d’étude arabe dans le cadre d’une délégation, et le Président leur a remis le dossier pour un arbitrage. Leur conclusion a été que le montant n’était pas élevé en raison du terrain favorable aux glissements, de la sismicité de la région et du relief, mais aussi du délai de réalisation très serré de 40 mois.
Pour eux, le coût de l’autoroute était raisonnable. Le chef du gouvernement a décidé cependant de plafonner le montant pour éviter qu’il soit dépassé. Cojaal et Citic ont été retenus, alors qu’au début il y avait 7 groupements internationaux.» Le juge : «Et ce mini-Conseil des ministres en présence de Falcone ?» L’accusé : «Je ne suis pas au courant. Mais nous savons tous que des groupes de pression distillaient ce genre de rumeurs. J’ai lu cela comme tout le monde. Mais ce n’est pas vrai.
Cela ne rentre pas dans ma tête. J’ai été d’ailleurs étonné de le lire. A l’ANA, tout a été fait de manière légale. Ils avaient leur mission technique d’engagement et moi le volet administratif. Notre souci était de préserver le coût, le délai et la qualité de la réalisation.» Pour sa rencontre avec Chani, l’accusé affirme l’avoir vu pour la première fois dans le bureau de Abdelhamid Melzi, à Club des Pins, à sa demande. «Il m’a été présenté comme conseiller financier des Chinois, qui voulait régler les problèmes auxquels ces derniers faisaient face. Le bitume, les explosifs, etc. Il y avait des problèmes de bureaucratie aussi.»
Le juge fait une longue intervention sur la bureaucratie et la corruption et plaide pour «une loi martiale contre cette vermine». Pour ce qui est du colonel Khaled, Bouchama affirme que c’est une vieille connaissance qui remonte à 1977. «Pour moi quand Chani est venu à mon bureau avec le colonel Khaled, c’était un homme de confiance, il n’y avait aucun doute sur lui. Le colonel, de surcroît du DRS, est suffisamment intelligent pour ne pas jouer avec sa carrière et me sacrifier avec lui.
Si Chani est venu, c’est pour régler des problèmes bureaucratiques pour lesquels tout le gouvernement était engagé.» Le juge : «De quoi vous a-t-il parlé ?» L’accusé : «Il m’a dit que les Chinois avaient peur de ne pas respecter le délais de réalisation et qu’ils se cassent les dents. Donc ils ont décidé de ramener le personnel pour respecter les délais parce qu’ils n’ont pas trouvé de main-d’œuvre qui accepte de travailler dans des conditions difficiles.
Ce qui a suscité des problèmes pour l’obtention des visas.» Il évoque l’intervention de Khelladi pour trois Chinois qui n’avaient pas de relation avec l’autoroute. Selon lui, Khelladi lui en veut parce qu’il a compris qu’il aidait Chani et pense que c’est lui qui lui a supprimé la délégation de signature du ministre, qu’il a continué à utiliser, ajoute-t-il, même après sa suppression. «Cette délégation lui a été donnée à une période où le ministre et moi étions absents, avant d’être annulée parce qu’elle était illégale», précise Bouchama. Il souligne avoir alerté le ministre sur le courrier des Chinois qui dénonçaient les retards, en mettant en garde contre une stratégie qui augure des contentieux et des pénalités.
A une question sur la location des bureaux de l’ANA aux frais de Cojaal, Bouchama répond : «C’est une affaire qui concerne Khelladi.» Il s’attarde sur le rôle du commissaire aux comptes, qui est le seul comptable de la gestion de l’ANA même si lui-même est président de son conseil d’administration. Pour ce qui est des cadeaux qu’il aurait reçus de Chani, Bouchama déclare : «C’est une honte. J’ai géré 11 milliards de dollars et vous me parlez de chocolats et de stylo d’une valeur de 1000 DA. J’ai été surpris lorsque Chani m’a remis ce petit sachet avec une boite publicitaire de sa société ; je lui ai dit de ne plus le faire…»
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