Le texte renferme des dispositions attentatoires aux libertés individuelles, estiment les professionnels du secteur.
Reporté à maintes reprises, le projet de loi relatif aux activités et au marché du livre sera, aujourd’hui, au menu d’une séance plénière à l’Assemblée populaire nationale (APN). Face aux députés, la ministre de la Culture, Mme Nadia Labidi, tentera de défendre un document élaboré et approuvé par son prédécesseur, Mme Khalida Toumi.
Adopté par le Conseil des ministres il y a deux ans, le 29 octobre 2013, ce projet de loi ne fait nullement l’unanimité. Il a essuyé des critiques acerbes de toutes parts. Le débat à l’APN sera, selon toute vraisemblance houleux, beaucoup de députés ayant été interpellés par des éditeurs pour dénoncer les aberrations contenues dans ce projet de loi.
Selon certains éditeurs, ce document ne sert pas l’intérêt du livre mais plutôt les intérêts d’un «clan». «Nous avons entre les mains un projet élaboré sur mesure par un clan ayant le monopole sur le livre. La majorité des éditeurs et experts en la matière n’ont pas été associés à ce chantier. Pourtant l’élaboration d’une telle loi était la revendication de l’ensemble des concernés», estime une éditrice qui requiert l’anonymat.
Pour elle, le contenu de cette loi est non seulement global, mais flou et certaines de ses dispositions sont de nature à mettre en danger le développement des métiers du livre dans notre pays. «L’idéal aurait été de s’inspirer du travail réalisé dans ce sens par le Syndicat du livre et de faire par la suite le bilan de ces 15 dernières années avant d’élaborer une loi qui ne s’intéresse pas à la stratégie pour que le livre retrouve sa place dans la société», expliquent les éditeurs. Sur les 62 articles que renferme le projet, 17 d’entre eux sont, selon l’éditeur Boussad Ouadi, conçus afin de compromettre gravement et durablement le paysage éditorial algérien.
Régression
Exemple édifiant : l’article 7 stipule que sont soumises à autorisation préalable les activités d’édition et d’impression, les importateurs de livres, les bibliothèques privées, les dons de livres étrangers, les livres religieux, les livres scolaires, les achats hors wilaya, les marges bénéficiaires des distributeurs et éditeurs, l’organisation de salons et foires du livre.
Des amendes de 1000 à 20 000 DA sont prévues pour les «délinquants potentiels» que deviennent les professionnels du livre. «Certaines dispositions sont ouvertement répressives et attentatoires aux libertés individuelles et collectives protégées par la Constitution», dénonce M. Ouadi. Pour lui, si ces dispositions venaient à être adoptées en l’état, cela constituerait une grave régression pour la culture et divers domaines de la vie sociale : de l’écrivain aux éditeurs, imprimeurs, libraires, bibliothécaires scolaires et universitaires.
Personne n’est épargné par l’épée de Damoclès que constituerait cette loi. «Dans L’exposé des motifs, il est mentionné la mise en place d’un cadre normatif à caractère législatif destiné à encadrer toutes les activités de la chaîne du livre. Cela dénonce sans ambiguïté l’objectif de l’Etat comme une volonté de caporalisation de toute la société», déplore notre interlocuteur.
Les éditeurs reprochent aussi aux rédacteurs de ce projet de loi plusieurs omissions : il n’énumère pas positivement ce que sont les métiers du livre, les façons de les déployer et de les encourager, leurs droits à l’existence et la protection par les institutions de l’Etat, principalement le ministère de la Culture.
Mieux, la liberté d’expression pour les écrivains, les éditeurs et les libraires est ignorée. «Ce texte de loi veut tout simplement les encadrer, les mettre au pas. Nul n’échappera demain aux conséquences de cette loi si elle était adoptée. Mieux vaut surseoir à son adoption, car une mauvaise loi serait pire que la législation actuellement en vigueur. L’Algérie ne mérite pas une telle régression», suggère M. Ouadi.
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