samedi 12 septembre 2015

Abdelkader Rahmani, de l’exil forcé à la mort dans l’anonymat

Historien et écrivain ayant goûté à l’amertume de l’exil et de la solitude, Abdelkader Rahmani est décédé la semaine dernière à l’âge de 92 ans des suites d’une longue maladie dans le département d’Indre-et-Loire, au centre de la France. Parti dans l’anonymat le plus total, loin des siens et de son pays natal, l’Algérie, qu’il avait tant voulu visiter avant sa mort, Abdelkader Rahmani a laissé derrière lui une œuvre riche, consacrée essentiellement à la langue et à la culture berbères. Mais pas seulement, puisqu’il a également beaucoup écrit sur l’histoire de l’Algérie. On peut citer, entre autres, L’affaire des officiers algériens et Les Berbères. Né à Aokas, à Béjaïa, en 1923, le fils de Slimane Rahmani, père fondateur de l’Académie berbère en France et fondateur aussi de la première chaire d’arabe et de berbère à la faculté d’Alger, a vécu ses dernières années reclus dans sa maison de province avec un sérieux handicap physique qui l’empêchait de se mouvoir. Il a été enterré lundi dernier en présence de sa famille et de quelques amis qui lui sont restés fidèles. Parmi eux, Tahar Metref, président de l’association culturelle berbère de Kabylie, ACBK, dont le siège se trouve à Montpellier. Bouleversé par cette disparition, M. Metref dit garder un souvenir ineffaçable de cet intellectuel engagé dans la défense de la culture berbère. «Il était pour nous un repère historique. C’est une grande perte pour la culture berbère car il était considéré comme l’une des dernières mémoires berbères de l’avant-guerre», a-t-il déclaré à El Watan, ajoutant que M. Rahmani «a laissé un fonds documentaire riche sur l’histoire de l’Algérie et sur la culture berbère». Homme de principes, de droiture, doté d’une morale irréprochable, Abdelkader Rahmani a été parmi les premiers à s’opposer à Boumediène et à son système militaire basé sur la force et sur l’arabisation. Ayant une vision ouverte et moderniste de l’Algérie, il sera vite condamné à mort par le même Boumediène, qui n’aimait pas que quelqu’un d’autre développe des idées différentes des siennes. La mort dans l’âme, Abdelkader Rahmani quittera l’Algérie quelques années après l’indépendance sans jamais pouvoir y retourner. En France, il relancera le projet de l’académie berbère et œuvrera pour une Algérie plurielle et reconnaissante des siens. Il est parti sans que la condamnation à mort soit levée. A présent, il dort du sommeil du juste quelque part dans la ville de Poitiers, loin de sa Kabylie natale. A signaler que feu Rahmani a été enterré avec la musique de l’association ACBK, conformément au souhait de sa famille. Le président de cette association lui rendait visite chaque année pour à la fois s’enquérir de sa santé, mais aussi pour faire parler l’un des derniers défenseurs de la culture berbère.

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