samedi 12 septembre 2015

Le pari risqué de l’austérité

La persistance de la chute des revenus pétroliers du pays et le creusement des déficits publics qui en découle poussent désormais le gouvernement à chercher des niches d’économies, en instaurant de nouvelles taxes, tout en se gardant de parler ouvertement d’austérité. S’il est encore prématuré de se prononcer formellement sur le contenu de la loi de finances à venir – celle-ci étant encore en attente d’être examinée par le Conseil des ministres –, il est en revanche plus que certain que l’Etat sera désormais très regardant sur la dépense publique, et ce, dès l’exercice prochain. Une cure d’austérité, même à dose homéopathique, est bel et bien à l’ordre du jour, car rendue inévitable par l’assèchement continu de la rente pétrolière. Beaucoup moins de dépenses publiques assurément, mais sans doute aussi d’indispensables niches financières à chercher à travers l’impôt ordinaire pour combler les trous béants de la fiscalité pétrolière. Celle-ci ne suffisant désormais plus à entretenir la politique budgétaire expansionniste de ces dernières années, il serait ainsi question d’en compenser les pertes par l’amélioration des recettes de la fiscalité ordinaire. Une option qui passe inévitablement par l’augmentation de taxes indirectes qui grèvent la consommation des ménages et le rehaussement des droits de douane sur certains produits importés. Seraient ainsi envisagés, pour 2016, des relèvements conséquents, notamment sur les taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicables à certains carburants, mais aussi des droits et taxes sur des biens de consommation importés et faisant concurrence à ceux produits localement, tels que le matériel et les accessoires informatiques et de téléphonie. Risque de tensions sociales… Au-delà de ces propositions de taxes, qu’il faudra faire valider dans les quelques semaines à venir par l’Assemblée populaire nationale (APN), le fait est que le passage imminent et forcé à une politique d’austérité semble d’emblée amorcé, faute de solutions moins impopulaires à la grave crise qui pèse sur les finances de l’Etat. De fait, l’installation de la mauvaise conjoncture pétrolière depuis déjà plus d’une année, le baril ayant déjà perdu près de 60% de sa valeur, a rendu impossible le maintien du rythme actuel des dépenses publiques et donc la viabilité du budget de l’Etat, dont l’équilibre, faut-il le rappeler, dépend d’un prix du pétrole à plus de 110 dollars le baril. Or les revenus de la fiscalité pétrolière qui pèsent pour près des deux tiers du budget de l’Etat se sont contractés à quelque 1254 milliards de dinars à fin juin dernier, contre 1518 à peine douze mois auparavant. Cette chute drastique de la fiscalité pétrolière, consécutive bien entendu à la chute des prix du brut, a entraîné un creusement du déficit du Trésor, c’est-à-dire des finances publiques, à plus de 902 milliards de dinars à fin mai dernier, contre un niveau de 463 au premier semestre de 2014, selon les derniers chiffres de la Banque d’Algérie (BA). Dans ce sillage, les ressources du Fonds de régulation des recettes (FRR), servant jusque-là à couvrir les déficits budgétaires avec des surplus de recettes pétrolières, ont connu une véritable érosion, en baissant de plus de 33% pour n’être plus que 3441 milliards de dinars à juin dernier, contre plus de 5155 il y a à peine un an. En somme, alors que la crise pétrolière entame sa deuxième année et semble bien partie pour perdurer, la fiscalité pétrolière s’est déjà fortement rétrécie, le déficit des finances de l’Etat commence à être abyssal, et ce qui reste de l’épargne du FRR risque d’être rapidement épuisé. Autant d’indicateurs alarmants qui semblent avoir donc fini par avoir raison de l’acharnement du gouvernement à vouloir éluder à tout prix le pari, socialement coûteux et politiquement risqué, d’une politique d’austérité. Faute de marge de manœuvre suffisante, il s’y engage désormais avec un projet de budget pour 2016 prévoyant des dépenses globales réduites de 9%, selon les annonces faites récemment par le Premier ministre. Des dépenses en baisse, des taxes en hausse, un dinar dont le pouvoir d’achat ne cesse de s’éroder et une inflation qui avoisine déjà les 5%..., la crise économique risque fort d’accoucher de graves tensions sociales, voire politiques, dès le début de l’année prochaine.  

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