vendredi 9 juin 2017

Carnet politique 2

— Samedi - «C’est une ignominie ce qu’ils t’ont fait», dit Saïd Bouteflika à Rachid Boudjedra lors du sit-in devant l’Autorité de régulation de l’audiovisuel à Alger-centre. L’écrivain avait été victime d’une «caméra cachée» de la chaîne EnnaharTV, une «opération terroriste», selon Boudjedra qui a porté plainte. Plusieurs questionnements s’imposent face à ces phénomènes. Pour le directeur d’Ennahar, Anis Rahmani, ces programmes ne font que refléter la violence et les tendances lourdes de notre société. Comme la violence contre les femmes. Mais est-ce suffisant pour justifier la brutalité et la sournoise idéologie régressive qui est derrière ces dérives ? Non. Quand des «animateurs», des «journalistes» font dans l’inquisition «morale» et religieuse, même lors de programmes d’information ou de débat, quand on ramène un faux sociologue qui explique en direct que la solution pour la société est d’interdire aux femmes de travailler, quand on promeut des charlatans d’ici ou des pays du Golfe, on ne «suit» pas la société, on essaie de l’abrutir pour mieux la contrôler, l’asservir. Le fait aussi est que certains de ces médias créés pour contrer le discours extrémiste ont échappé à leurs parrains : c’est un flagrant déficit d’ingénierie ! — Dimanche - Deuil. Hassan Bachir Cherif, directeur du quotidien La Tribune, est parti tôt ce matin, à 66 ans. Le choc, puis la douleur, puis les hommages, et enfin cette inquiétude qui s’insinue partout dans le monde de la presse écrite algéroise qu’un monde est en train de disparaître avec le départ des «anciens», les uns après les autres. Ici, aussi des interrogations se posent devant ceux qui croient encore au métier, face aux nouveaux monstres fabriqués dans les laboratoires secrets, face à la daechisation des journaux et télés privées de tous sens de la mesure, du respect ou du professionnalisme. En plus des défis que posent les nouvelles technologies des médias : peu d’organes peuvent capter les dynamiques nées et prospérant sur les réseaux sociaux à une vitesse défiant toute concurrence. Même le pouvoir semble dépassé face à ces nouvelles formes d’expression : et c’est tant mieux quand elles sont citoyennes et civiques, et dangereux quand il s’agit de rumeurs et de propagande intégriste. — Lundi -  Et bien nous voilà prévenu : la Banque mondiale sonne l’alerte. «Des protestations causées par la hausse des impôts ont eu lieu dans plusieurs parties de l’Algérie en 2017. De tels développements pourraient décourager de nouvelles réformes et prolonger la période d’ajustement». Pour la Banque mondiale la croissance du PIB réel algérien serait de 1% en 2018 alors qu’elle prévoyait, il y a six mois, un taux de 2,6%. Même topo pour l’année d’après, celle de la présidentielle, où le taux ne dépassera par le 1,5% de croissance. Pas très reluisant tout cela. Mais rassurons-nous, le gouvernement insiste pour réussir à «construire une économie plus saine et plus équilibrée dans  laquelle le secteur privé aura toute sa place, peut-être même une place  prioritaire, avec toute la régulation et le contrôle que doit faire le  gouvernement, au nom du président de la République», pour reprendre Abdelmadjid Tebboune qui devra présenter le plan d’action de son gouvernement au nouveau parlement le 18 juin prochain. Trop optimiste par contre là. — Mardi - Alors qu’Alger abrite une rencontre tripartite Algérie-Tunisie-Egypte pour travailler à une solution politique et durable dans une Libye chaotique, voilà que L’Arabie Saoudite et ses amis déclenche une crise sans précédent en mettant au ban le Qatar. Alger a appelé «l’ensemble des pays concernés à adopter le dialogue  comme seul moyen de régler leurs différends et de transcender les  divergences qui peuvent naturellement surgir dans les relations entre  Etats» et surtout, notre pays rappelle «la nécessité d’observer, en toutes  circonstances, les principes de bon voisinage, de non ingérence dans les  affaires internes des États et du respect de leur souveraineté nationale». L’Algérie a de quoi s’inquiéter : cette évolution dangereuse renforce l’axe Riyadh-Le Caire qui, dans sa logique guerrière loin de tout soft power, veut «liquider» le problème libyen par la seule force de l’armée de Haftar. Alger à de quoi batailler pour éviter d’aggraver plus encore une situation libyenne si délicate déjà. — Mercredi -  Dire un mot sur cette cérémonie d’hommage aux artistes et aux intellectuels, dont des défunts assassinés par le terrorisme, comme Tahar Djaout ou Cheb Hasni… Ce qui attire l’attention est l’incroyable (pas si incroyable in fine) de Azzedine Mihoubi, jeune apparatchik qui a tout compris : «le rôle de l’intellectuel  algérien est désormais primordial et sa présence indispensable, grâce à  l’intérêt accordé par le Président Abdelaziz Bouteflika». Ne vous inquiétez pas monsieur le ministre, vous êtes encore au gouvernement, et si vous continuez comme ça, vous y resterez longtemps. Changeons d’horizons, allons du côté de la frontière algéro-marocaine : sans rentrer dans le détail des hostilités et des mésententes peu cordiales, sans remonter le fil de l’histoire pour dire qui a commencé comme dans un duel éternel, sans présumer de la primauté de la faute de l’un ou de l’autre des deux pays, n’y a-t-il pas un sage au milieu d’entre vous qui pourrait arrêter cette surenchère dont seuls des migrants syriens perdus dans le désert depuis près de sept semaines ? Même si l’autre est le pire des pires, pourquoi ne pas s’élever au-dessus de la mêlée et imposer l’humanisme ? C’est une honte pour les deux pays ! — Jeudi - Des éleveurs de bétails et des agriculteurs manifestent à Ghardaïa contre la détérioration de l’environnement, des élèves à Adrar réclament le changement des horaires du bac, des activistes à Ouargla organisent un ftour de solidarité avec les mouvements sociaux de Tataouine en Tunisie et du Rif marocain… Tout cela est si loin du bruit algérois, des partis qui somnolent et de l’APN qui fait semblant d’exister. Si loin pour le moment, avant que, encore une fois, les petites voix, à force de ne pas être entendues, deviennent des cris, et les cris deviennent des torrents de colère. Ça, le centre ne le voit pas, mais pense tout régler avec un peu de pensée magique et une roqia de cadeaux sociaux. Entre-temps le Ramadhan s’étire dans la chaleur assommant les derniers résistants à la somnolence qui durera jusqu’après le mois sacré, au-delà de l’Aïd, le petit puis le grand, jusqu’en 2019 peut-être. Saha Ftourkom !  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire