mercredi 7 juin 2017

«Cette initiative est un nouveau pas de l’Arabie Saoudite vers Israël»

- D’abord, pourquoi cette mise au ban du Qatar, et quelles sont les motivations de l’Arabie Saoudite et de ses alliés en mettant Doha en quarantaine ? Depuis le début du «Printemps arabe», l’Arabie Saoudite poursuit un double objectif, confirmé et renforcé par l’activisme croissant du prince Mohamed ben Salmane : conquérir le leadership au sein du monde arabe suite à l’affaiblissement des trois capitales «califales» (Baghdad, Damas, Le Caire), et contenir les forces contestataires auxquelles on attribue les déstabilisations, dont Riyad craint qu’elles ne dégénèrent à ses dépens. Dans les deux cas, le Qatar se trouve au travers de sa route. Il s’agit donc d’une démonstration de force pour qu’il rentre dans le rang... - Quelle tournure pourrait prendre ce conflit ? Je ne crois pas que les événements puissent quitter la scène diplomatique et symbolique. Aucun des deux partenaires n’a intérêt à un conflit aggravé. L’excès dramatique auquel on assiste montre qu’on est plus dans le symbole et la gesticulation. Même les Etats-Unis ont trop d’intérêts, y compris militaires, du côté de Doha pour encourager à une escalade. Seul Tel-Aviv y trouverait son compte. - Sommes-nous face à une redéfinition de la carte géopolitique de la région ? On voit évidemment, en cette occasion, que le Conseil de coopération du Golfe n’est pas une entité solidaire : non seulement la querelle est vive entre Doha et Riyad, mais la monarchie saoudienne n’a été suivie ni par le Koweït ni par Oman, guère davantage par la Jordanie qui s’est pourtant rapprochée du CCG. Plus spectaculaire peut-être, cette initiative est objectivement un pas nouveau de l’Arabie Saoudite et de certains de ses voisins vers Israël, ce qui bouscule encore plus les paramètres géopolitiques classiques. - Quel impact aura cette escalade sur le conflit syrien ? Elle ne rapproche certainement pas d’une solution ! Elle complexifie le jeu de la coalition anti-Daech, un peu plus divisée, elle désunit un peu plus le front «anti-Al Assad» et elle radicalise davantage le camp pro-Al Assad, l’Iran se sentant évidemment visée par cette initiative. - L’Administration Trump a-t-elle un rôle dans ce conflit ? On ne peut s’empêcher de penser que cette initiative suit de peu la visite de Trump à Riyad. Celle-ci a conforté la monarchie saoudienne et a restauré la confiance entre Riyad et Washington, mise à mal par les propos tenus par Trump tout au long de la campagne électorale américaine. Le président américain a pu être sensible aux accusations de sympathie terroriste lancées par la monarchie à l’encontre du petit émirat. Non seulement c’est un langage auquel il est sensible, mais, obnubilé par la force, il a probablement encouragé Riyad à jouer les gendarmes locaux... Double erreur qui s’ajoute à une liste déjà longue : Doha n’incarne pas le terrorisme, pas plus que Téhéran, d’ailleurs... Et la force n’est, dans cette situation complexe, qu’une apparence trompeuse !

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