mardi 6 juin 2017

Le wahhabisme et les Frères musulmans s’entre-déchirent

Derrière la crise entre le Qatar et l’Arabie Saoudite, se cachent en réalité deux conceptions de l’islam. Ce n’est pas la première fois que la petite monarchie du Golfe se retrouve au ban des pays qui composent le CCG. Pour l’Arabie Saoudite, plus puissante monarchie du CCG, le Qatar est accusé depuis longtemps de ne pas en faire assez pour lutter contre le financement du terrorisme. «Le Qatar accueille divers groupes terroristes pour déstabiliser la région, comme la confrérie des Frères musulmans, Daech et Al Qaîda», a accusé Riyad. Une accusation récurrente de la part des Saoudiens, depuis la crise égyptienne. En réalité, derrière ces accusations se cache une bataille entre les monarchies de la région dans leur conception de l’islam. D’un côté, l’Arabie Saoudite, berceau du wahhabisme, craint de voir le modèle de société prôné par les Frères musulmans se répandre dans tous les pays musulmans. La chute du président Moubarak, soutenu par les Saoudiens, et l’arrivée de l’islamiste Mohamed Morsi à la tête de l’Egypte avaient accentué la suspicion et les accusations contre le Qatar, pointé du doigt pour être l’un des principaux bailleurs de fonds des Frères musulmans en Egypte et des groupes proches de cette confrérie dans les pays voisins. Il faut dire que le petit royaume n’a pas ménagé ses efforts pour soutenir l’ancien président égyptien, Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, et condamné le «coup d’Etat» qui a amené à sa destitution. Cet épisode avait donné lieu à une grave crise diplomatique entre le Qatar, d’un côté, et l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis et Bahreïn, de l’autre. Les trois monarchies du Golfe avaient d’ailleurs rappelé leurs ambassadeurs pendant quelques mois. Autre point de friction : la chaîne Al Jazeera, propriété du Qatar, et ses couvertures médiatiques jugées trop favorables aux islamistes. Conséquence : une année après son arrivée à la tête de l’Egypte, Al Sissi fait condamner trois journalistes de la chaîne exerçant en Egypte à de lourdes peines de prison pour avoir «falsifié des informations» en soutien aux partisans du président islamiste Morsi. En 2016, les autorités irakiennes ferment le bureau d’Al Jazeera à Baghdad en raison d’une couverture jugée favorable au groupe djihadiste sunnite de l’Etat islamique (EI) et hostile à la majorité chiite d’Irak. Le Qatar est également accusé par ses voisins d’être un havre de paix pour les plus importants dirigeants des Frères musulmans, confrérie classée «terroriste» en Arabie Saoudite et aux Emirats arabes unis. En septembre 2014 et sous la pression de ses voisins, le Qatar avait finalement expulsé de son territoire sept membres de la confrérie. Il y a quelques jours et après la visite du président Trump en Arabie Saoudite, des propos accordés au cheikh qatari, Tamim Ben Hamad Al Thani, ont provoqué l’ire de la monarchie wahhabite et des Emirats arabes unis. Le jeune émir aurait notamment expliqué que l’Iran, ennemi juré des Saoudiens, était «une puissance islamique avec laquelle il faut compter, puisqu’elle contribue à la stabilité de la région». Même si Doha s’est empressé de réagir en assurant qu’il s’agissait d’un piratage informatique, ses propos ont provoqué une escalade des tensions entre les deux monarchies.

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