dimanche 18 juin 2017

«L’école des cadets est un pôle d’excellence pour l’armée algérienne»

Colonel de l’aviation et ancien élève de l’école des cadets de la Révolution, Moumen Saïd est aux commandes de l’école des cadets de la nation de Blida, un établissement d’enseignement secondaire d’excellence. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, il évoque l’engouement des garçons, mais aussi des filles, pour une carrière militaire et l’ouverture de 1500 nouvelles places pédagogiques, pour le cycle moyen, dont 260 à Tamanrasset avec l’inauguration d’un collège, et 600 places pour le cycle secondaire, dont 260 sont réservées aux filles… Comment est venue l’idée de rouvrir les écoles des cadets après leur fermeture dans les années 80’ ? La réouverture de ces écoles a été décidée en 2008, conformément aux orientations du chef d’état-major de l’Anp et vice-ministre de la Défense, le général de corps d’armée, Ahmed Gaïd Salah. Une année après, le premier établissement, qui est un lycée, a été inauguré à Oran, sur le territoire de la 2e région militaire. La mesure ne devait pas s’arrêter là. Le haut commandement de l’ANP a décidé de mettre en place un complexe de dix écoles, sept collèges d’enseignement moyen et trois lycées répartis à travers le territoire national : Béchar, Tiaret, Batna, Béjaïa, M’sila, Laghouat, Blida, Oran, Sétif et bientôt Tamanrasset. Ce qui nous donne au moins un établissement pour chacune des six Régions militaires. De cette manière, tous les citoyens ont la chance d’y accéder. Le type d’enseignement est celui de l’éducation nationale, auquel s’ajoute un enseignement spécifique axé sur le développement de l’amour de la patrie, le respect de la discipline, l’esprit de responsabilité et qui comprend une formation physique qui développe les capacités d’endurance, le goût de l’effort, le travail en groupe, et l’initiation à la formation militaire avec pour objectif d’inculquer au cadet certains principes du règlement du service dans l’armée, comme par exemple le savoir-vivre militaire, les exigences de la vie militaire, le cérémonial militaire. Il faut savoir aussi que les cadets passent leurs examens du baccalauréat et du BEM avec leurs camarades des écoles civiles. Ceux qui obtiennent le bac sont orientés selon les besoins, soit pour suivre une formation dans une école d’officiers de l’ANP, soit pour suivre des études universitaires sous l’égide du ministère de la Défense. Ceux qui échouent et ne sont plus admis à redoubler sont orientés vers une formation dans une école de sous-officiers de l’ANP. La première école des cadets, qui est un lycée, a été ouverte à Oran en 2009. Suivie, en 2013, d’une autre, à Blida, et une troisième à Sétif. Aujourd’hui, nous avons trois grands lycées au Nord et 7 CEM au sud. Nous voulons donner la chance à tous les enfants de l’Algérie pour rejoindre ces écoles, qui sont pour nous des pôles d’excellence pour l’armée algérienne… Pourquoi avoir fermé ces écoles pour les rouvrir presque 30 ans après ? (Silence...). Ce ne sont pas les mêmes. Les autres avaient été créées dans un contexte particulier juste après l’indépendance, avec des moyens dérisoires, et s’appelaient d’ailleurs écoles des cadets de la Révolution. L’essentiel, c’est qu’elles sont rouvertes aujourd’hui dans un autre contexte avec des moyens plus importants… Est-il vrai que les enfants du personnel militaire sont prioritaires et ne passent pas par les mêmes voies d’accès ? Si on se réfère aux critères de sélection, on se rend compte que la direction générale des écoles des cadets à ces établissements se tient à la même distance par rapport à l’ensemble des enfants qui veulent y accéder. Je m’explique : par souci d’équité, le recrutement se base sur les notes des examens de la 5e année primaire et du brevet de l’enseignement moyen. L’inscription se fait exclusivement par internet et le concours obéit à des règles très strictes… Voulez-vous dire qu’il n’y a pas de contact entre les candidats ou leurs familles et ceux qui organisent le recrutement ? Les candidats s’inscrivent de leur propre gré sur le site dédié exclusivement à l’accès aux écoles des cadets. Dès qu’ils introduisent leur numéro de convocation grâce à une liaison fonctionnelle entre l’Onec (Office national des examens et des concours) et la direction des écoles des cadets, les données sur les résultats de l’enfant nous parviennent instantanément et le classement de la moyenne la plus élevée à la moins élevée est établi automatiquement. Comment arrêtez-vous le nombre de places pédagogiques ? Le nombre de places pédagogiques accordées relève des prérogatives du commandement. Il répond à des besoins. Il y a actuellement 3000 cadets au niveau des dix établissements, dont 60 sont des lycéennes. Pour l’année scolaire 2017-2018, il est prévu une moyenne de 1500 nouvelles places pédagogiques pour le cycle moyen et 600 places pour le cycle secondaire, dont 260 sont réservées aux filles. L’année scolaire 2017-2018 verra aussi l’ouverture du collège de Tamanrasset, avec 260 places pédagogiques. Les 10 établissements, 3 lycées et 7 collèges seront tous fonctionnels pour former l’élite militaire de demain… Vous ne parlez jamais de l’échec. Est-il banni dans ces écoles ? Il est insignifiant, pour ne pas dire inexistant. Il n’y a qu’à prendre les résultats des examens. En 2015, la moyenne du bac math était de 16,27 sur 20, et celle de toutes les écoles tournait autour de 15,47 sur 20… L’entrée des filles au lycée de Blida a été une première. Comment cette mesure a-t-elle été prise ? Tout simplement parce que les femmes cadres au sein de l’armée ont leur place. A Blida, la décision de prendre 60 filles au cours de l’année a été prise durant l’année scolaire en cours. Cette expérience sera reconduite l’année prochaine à Oran et à Sétif. Vous attendiez-vous à un tel engouement des filles pour une carrière militaire ? Au début, nous n’avions pas une idée sur le retour d’écho sur l’ouverture des places pédagogiques aux filles. C’est à travers cette expérience que nous avions senti le besoin d’élargir le recrutement. Au bout de la troisième journée du concours, l’information s’est vite répandue et bon nombre de parents espéraient un nombre plus élevé de postes. En l’espace de 48 heures, nous avions enregistré 358 inscrites, mais 60 seulement ont été sélectionnées selon le plan du commandement. Ce qui est certain, c’est que l’année prochaine verra le recrutement d’une centaine d’autres… Pourquoi avoir séparé les cadettes des cadets alors qu’ils sont dans la même école ? Cette séparation s’imposait d’elle-même compte tenu du fait que ces filles arrivaient au milieu de l’année et venaient d’horizons différents. Il fallait les mettre ensemble dans un souci de remise à niveau qui nous a pris 4 mois. A la rentrée, elles vont être avec leurs camarades et celles qui viendront après elles prendront le train avec les nouveaux cadets… Quel est le budget consacré à chaque classe pédagogique… Pour préparer le cadre de demain on ne lésine pas sur les moyens. L’essentiel est de bien le former. Ne craignez-vous pas une réduction du budget consacré à ces écoles en raison de la crise économique ? Pour l’instant, je ne le sens pas. Tous les moyens nécessaires pour la formation des cadres de l’armée sont mis en place. Ces craintes ne sont pas à l’ordre du jour pour l’instant. Pendant des années l’armée recrutait ses cadres à partir de l’université, et aujourd’hui elle les forme à partir du collège. Y a-t-il eu nécessité de mettre les moyens pour mieux former ? Probablement. Le niveau des élèves de l’école des cadets de la nation est très élevé. La totalité des meilleures notes des écoles militaires de l’aviation, la Marine, etc. sont celles des cadets. Ces derniers se distinguent par leur niveau et la moyenne de leur bac avoisine le 19 sur 20. Ils se démarquent par leur rigueur et leur discipline. Ils sont imprégnés de valeurs. Ils seront les chefs de demain qui doivent baigner dans toutes les connaissances et les technologies… Est-il facile de former un enfant dans l’excellence loin de ses parents ? Les premiers mois sont certes très difficiles aussi bien pour les enfants que pour les encadreurs. Les cadets arrivent d’autres régions, sont coupés de leurs familles et privés presque du monde extérieur. Nous faisons en sorte qu’ils s’habituent à leur nouveau monde le plus tôt possible, qu’ils se sentent rassurés, que l’oisiveté ne les approche jamais. Les filles se familiarisent plus rapidement que les garçons. Elles sont arrivées en décembre et ont pu rattraper les cours en quelques mois. Elles se sont adaptées à leur nouvelle vie et sont très à l’aise.    

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire