dimanche 4 juin 2017

«Une ignominie ce qu’ils vous ont fait»

Stupéfaction et grand étonnement. Saïd Bouteflika s’est présenté au rassemblement de solidarité avec l’écrivain Rachid Boudjedra. Veste couleur kaki sur une chemise bleue, Saïd s’est dirigé vers Boudjedra à qui il a exprimé son soutien. «C’est une ignominie ce qu’ils vous ont fait», lâche-t-il à Boudjedra qui n’a pas reconnu son interlocuteur. «Oui.…Mais vous êtes qui ?» interroge l’auteur de La Répudiation. Le conseiller du président a dû souffler à l’oreille de l’écrivain qui il était. Assuré de l’identité de son interlocuteur, il lui lance : «Ah d’accord.…Il faut bouger. Il faut que la Justice et l’Intérieur bougent.…Il ne faudra pas que je me plaigne tout seul.  Merci d’être venu...» L’échange ne dure pas longtemps puisque Saïd s’éloigne après que des voix ont commencé à s’élever pour le huer. Meriem Saidani de Jil Jadid lui faisant presque face lui crie la première : «Wach djabek (pourquoi vous êtes venu ?). On n’a pas besoin de vous.» «Vingt ans ne vous ont-ils pas suffi ? Vous n’êtes pas le bienvenu», lance une autre personne. Entouré d’une discrète garde rapprochée, Saïd, qui ne se départit pas de son sourire, s’éloigne sous les apostrophes toujours plus fortes des présents. Un temps étonnée par la présence du frère du président, la petite foule reprend à tue-tête des slogans hostiles : «Dégage, Dégage !», «Dis à ton frère de venir», «A bas la dictature». Saïd traverse la route pour monter dans une Peugeot 308 garée à l’entrée de la station d’essence de l’église du Sacré-Cœur, suivi par des journalistes qui n’ont pas réussi à lui arracher de déclaration. Mais toujours un sourire figé. Quelle interprétation donner à la présence de Saïd Bouteflika à un rassemblement de dénonciation de la chaîne d’Anis Rahmani qui a de tout temps défendu avec acharnement et zèle le régime en place ? L’action signifie-t-elle que le pouvoir se désolidarise d’une chaîne critiquée par de larges pans de la population et que d’aucuns ont toujours présentée comme une création du noyau dur de la présidence de la République ? Hichem Aboud estime que les «larbins» qui ont soutenu les Bouteflika sont «lâchés». «Un geste symbolique qui signifie que les larbins sont lâchés. Anis Rahmani et ses semblables doivent trembler», écrit l’ancien militaire en exil dans un post sur sa page Facebook. Pour lui, tout changement est le bienvenu. «S’il n’est pas venu de l’opposition ni de la société civile, on ne le rejette pas s’il vient des détenteurs actuels du pouvoir. Cela signifie déjà qu’il y a division des rangs de ceux qui sont au pouvoir. Et cette division ne peut être qu’au profit du peuple», estime-t-il dans sa page. Saïd Bouteflika s’est affiché sans complexe ces derniers mois. Lors des dernières élections législatives, sa présence, aux côtés de son frère au bureau de vote d’El Biar, a été remarquée, alors que d’habitude le conseiller du Président s’est toujours tenu à l’écart. Préférant être derrière les tapisseries qu’aux premières loges. Certains voient en la présence de Saïd un soutien désintéressé d’un homme à l’un des représentants en vue d’un mouvement dont il aurait été proche du temps de l’activité syndicale à l’USTHB, alors que d’autres affirment que la présence du «frère»  lors du rassemblement de l’Arav exprime plutôt une volonté de mener campagne pour sa personne. En effet, des observateurs ont toujours prêté à Saïd la volonté de se façonner un destin politique de premier plan dans l’ombre du grand frère à l’état de santé fragile. La sortie de Saïd a permis, en tout cas, à Anis Rahmani, directeur de la chaîne Ennahar de vouloir s’offrir une réputation usurpée, celle d’une chaîne antisystème, alors qu’elle a défendu les causes de ce même système. Shakespeare n’aurait pas trouvé meilleure répartie.…  

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