C’est par un court communiqué que la présidence de la République a annoncé, hier, le retour au pays de Abdelaziz Bouteflika après six jours d’hospitalisation dans une clinique située à Genève, en Suisse. Le document de la Présidence évoque «une visite privée» durant laquelle le chef de l’Etat a subi des «contrôles médicaux périodiques». Comme d’habitude, le communiqué de la Présidence ne donne aucun autre détail. Il ne précise pas la nature des «contrôles médicaux» effectués ni leurs résultats. La communication officielle, qui a donné l’information sur l’évacuation du chef de l’Etat à l’étranger plusieurs jours après les faits, ne donne pas non plus le bulletin de son état de santé. C’est ce document, que doit parapher un médecin assermenté, qui donne une idée claire sur la santé du chef de l’Etat, qui n’est pas une affaire privée. Ce nouvel épisode dans le long feuilleton de la santé de Abdelaziz Bouteflika est un signe de l’opacité avec laquelle la présidence de la République gère ce dossier. Et trois ans après l’évacuation du chef de l’Etat vers l’hôpital parisien du Val-de-Grâce, le 27 avril 2013, rien n’a changé. Les Algériens, qui n’ont pas entendu le chef de l’Etat s’exprimer depuis avril 2012, savent qu’il est malade. Sans plus. En trois ans, la communication officielle est passée de timides épisodes durant lesquels les autorités ont d’abord évoqué «un accident ischémique transitoire» sans séquelle, avant d’avouer, quelques mois plus tard, que Abdelaziz Bouteflika était atteint d’un accident vasculaire cérébral (AVC). Cela change tout. Les premières images montrant le chef de l’Etat après son hospitalisation sont éloquentes : l’homme a perdu la quasi-totalité de ses fonctions motrices et sa voix, déjà altérée après sa première hospitalisation de 2005, ne résonne pratiquement plus. Le constat est tellement flagrant que Abdelaziz Bouteflika est obligé de disparaître des radars durant la campagne présidentielle de 2014. Il a délégué l’animation de cette campagne, avant de disparaître de l’espace public juste après avoir fourni un effort surhumain lors de la cérémonie de prestation de serment, lorsqu’il a entamé son quatrième mandat. Pourtant, la Constitution mentionne que le président de la République «s’adresse directement» aux Algériens. Une mission que Abdelaziz Bouteflika accomplit uniquement par voie de correspondance. L’opposition a beau appeler à l’application de l’article 88 de l’ancienne Constitution (devenu article 102 dans la nouvelle Loi fondamentale), le Conseil constitutionnel valide tout. Ni la candidature de Bouteflika pour un quatrième mandat, ni sa reconduction à la tête de l’Etat n’ont fait réagir l’institution que dirige Mourad Medelci. Le débat sur la santé du chef de l’Etat est mis depuis longtemps entre parenthèses. Mais la photo postée le 10 avril par le Premier ministre français, suivie des images des chaînes de télévision françaises ouvrent de nouveau la boîte de Pandore. De nouvelles images des entrevues entre Abdelaziz Bouteflika et le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, ainsi que celles de son entretien avec le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, montrent en effet un Abdelaziz Bouteflika affaibli. Son regard est absent. Pis, des diplomates racontent que la voix du chef de l’Etat, d’habitude soutenue par des microphones fixés dans l’oreille ou posés sur la table basse, n’est plus audible. Des faits qui peuvent démontrer que les affirmations des proches du chef de l’Etat, qui avancent que ce dernier «pense avec sa tête» et non «avec ses pieds», sont fausses. N’est-il pas temps de mettre fin à cette comédie ?
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