Si le chômage s’avère un problème épineux en Algérie, décrocher un emploi n’est pas de tout repos, le postulant rencontre plusieurs difficultés et surtout des irrégularités. En plus de ce fâcheux constat, selon les derniers chiffres, pour l’année 2015, dévoilés par l’Organisation internationale du Travail, 50 à 75% des travailleurs algériens n’auraient pas de contrat de travail permanent. En 2014, ce taux était de 76,57%. Ces chiffres, qui font froid dans le dos, révèlent la réalité de la précarité de l’emploi qu’offre le marché du travail en Algérie. Pourtant, la norme nationale, édictée par la loi n°90-11 du 21 avril 1990 relative aux relations de travail, est pour la permanisation de l’employé par un contrat à durée indéterminée (CDI) sans pour autant interdire le recours au contrat à durée déterminée (CDD), mais dans cinq cas bien précis. Toutefois, en l’absence, voulue ou pas, de l’Etat, cette norme a complètement été déviée pour faire du CDI un privilège accordé par l’employeur et non un droit à tout employé dont la nature du travail l’exige. Un CDD pour tout et pour tous Fethia, 45 ans, a intégré le monde du travail à l’âge de 22 ans. N’ayant jamais eu un CDI, elle changeait de poste très fréquemment. Durant ses 23 ans d’exercice professionnel, elle n’a été déclaré à la Sécurité sociale qu’une seule fois. «Mes employeurs appréciaient ma rentabilité, mon professionnalisme et mon sens de la responsabilité, mais dès que je réclamais ma permanisation, ils refusaient. Ils préféraient me garder au noir, dans la précarité, que de m’avoir comme élément permanent dans leur société. Je n’ai jamais osé me plaindre à l’inspection du travail, étant donné que je croyais que la norme était d’avoir un CDD et non pas un CDI. J’avoue avoir eu tort de n’avoir pas mis ces chefs face à leurs responsabilités juridiques», confie-t-elle avant de rejoindre son bureau dans une multinationale, où elle a réussi à décrocher un poste de directrice commerciale, en CDI cette fois-ci. Fethia n’est en fait qu’un échantillon sur plusieurs millions de travailleurs qui méconnaissent leur droit à un travail décent. La généralisation du CDD est considérée par un nombre d’employeurs comme une carte de pression sur le salarié afin qu’il travaille avec la peur d’être viré à tout moment. Une législation du travail méconnue mais contournée Un inspecteur du travail rencontré à Alger confirme cette hypothèse, mais aussi la méconnaissance et la mauvaise interprétation de la loi du travail. Même s’il dit ne pas détenir des chiffres officiels, il confirme que la majorité des travailleurs qui se dirigent vers l’inspection de travail ignorent qu’au bout de 48 heures de travail, même sans contrat écrit, ils sont automatiquement permanents. «Ils ne savent pas aussi qu’en cas de conflit devant la justice, ils n’ont pas besoin d’avocat et que le juge accorde plus d’attention et d’importance aux déclarations de l’employé qu’à celles son employeur, explique-t-il. Nous recevons aussi beaucoup d’employeurs. Certains ne connaissent pas la loi, d’autres viennent pour des consultations et d’autres encore pour trouver des moyens réglementaires pour mettre fin au contrat permanent des salariés.» D’après notre interlocuteur, la nature du contrat de travail revient avec force, de même que les histoires en relation avec les harcèlements tous types confondus et la non-déclaration à la CNAS. Les bureaux de l’inspection du travail pullulent tous les jours de salariés mécontents, alors que des milliers de travailleurs, de peur de se retrouver au chômage, préfèrent se taire et acceptent la précarité, le sous-paiement et bien d’autres pratiques en attendant de trouver un jour un travail décent.
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