C’est le site de lanceurs d’alerte Cryptome qui a été, mercredi dernier, le récipiendaire du fichier piraté des détenteurs de comptes auprès la Qatar National Bank. Ce fichier, issu d’un piratage des serveurs de l’établissement financier, révèle une bonne partie des informations personnelles des clients : noms, adresses, mots de passe et code PIN des cartes de crédit, et parfois même des photos ou des liens vers des profils dans les réseaux sociaux. En tout, ce sont 1,4 Gigas d’informations sur pas moins de 400 000 clients résidents qui ont fuité. Mais, contrairement aux précédentes fuites (Panama Papers, Diplomatic files...), les données énormes ne sont pas livrées en vrac aux lecteurs ou à certains médias pour faire le tri, elles ont été passablement ordonnées, ce qui donne l’impression d’une manipulation ou plutôt d’un traitement professionnel des données par une ou des agences de renseignement. On y trouve donc un nombre de dossiers sur Al Jazeera, la famille du prédicateur Al Qaradhaoui, sur la Famille Al Thani, sur le ministère de la Défense et les «Moukhabarate» (services secrets) du petit Etat du Golfe. Plusieurs personnes définies comme étant des agents d’officines occidentales, essentiellement françaises et britanniques, figurent aussi dans les listings mis en ligne. Un ancien journaliste d›Al Jazeera, Bernard Smith, a affirmé sur son compte Twitter que les informations révélées à son compte étaient exactes et qu’il avait été «choqué de trouver ses informations personnelles accessibles à tous». S’il est encore tôt pour tirer des conclusions sur cette fuite vu la quantité de données révélées, il est intéressant de constater le nombre de noms patronymiques à consonances occidentale, de la péninsule indienne ou maghrébine qui figurent dans les listes de rétribution du ministère de la Défense qatari et des Moukhabarate. La simple lecture des noms et la recherche de correspondances sur les réseaux sociaux indique la présence très importante de patronymes et prénoms à consonance tunisienne, ce qui s’expliquerait par la proximité de l’ancien pouvoir en Tunisie avec Doha. QNB n’a pas manqué de communiquer autour de la fuite en insistant sur le fait que «le groupe plaçait la sécurité et l’intégrité des données sur les clients comme sa plus haute priorité» et qu’une enquête était en cours afin d’évaluer la situation. Il est à noter que ce groupe financier est l’un des plus importants dans la région et a réalisé l’année dernière plus de 800 millions de dollars de bénéfices. Actuellement, les experts en sécurité financière se bousculent pour proposer leur aide à QNB, leurs premières recommandations aux clients sont le changement de l’ensemble des mots de passe et le remplacement des cartes de crédit. S’il fallait voir à qui profiterait le crime, la réponse serait difficile tant la politique étrangère du Qatar a été agressive ces dernières années, charriant derrière elle autant de clients que d’ennemis. Les guerres du Moyen-Orient s’étendent donc au-delà du terrain pour gagner le cyber-espace.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire