L’orientation mondiale vire vers la flexibilité de l’emploi. A votre avis, est-elle faite pour l’Algérie ? La flexibilité est une nécessité à l’économie et doit être introduite, dans toutes ses formes, dans notre système régissant le marché du travail. A commencer par la flexibilité de l’emploi qui se traduit par la nature des contrats de travail, la flexibilité de la rémunération, qui s’exprime par la négociation de salaire et enfin celle des heures de travail. Toutefois, cette flexibilité voulue par l’économie doit être exprimée dans le cadre de la loi. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, où la loi est souvent contournée. La norme dans le droit algérien est le CDI sans pour autant interdire le recours au CDD dans cinq cas bien précis édictés dans l’article 12 de la loi 90-11. Le recours au CDD n’est permis que lorsque la nature du travail est temporaire, tels que les remplacements, un surcroît de travail inopiné, lors d’activités saisonnières ou sur chantiers. Malheureusement, ce que font certains employeurs est carrément illégal. Ceci réside dans le fait qu’ils établissent un CDD pour un emploi à durée indéterminée. Pourquoi ? Ils justifient cette attitude par la période d’essai, qui pourtant est claire dans la loi. D’autres argumentent par les changements négatifs du comportement de l’employé qui, une fois en sécurité professionnelle traduite par un CDI, perd toute sa rentabilité prouvée durant sa période de travail en CDD. Même si cette pratique sociale confirme ce constat rapporté par les employeurs, ce n’est pas une raison autorisant le contournement de la loi ou la précarité de l’emploi. Qu’il soit CDI ou CDD, le contrat de travail n’est pas établi à vie et peut être rompu en cas de faute. Donc, en réalité, il n’existe pas de véritable raison pour ce recours souvent intempestif au CDD, ni sur le plan juridique, ni administratif, ni managérial. Sur ce dernier plan, un employé sous CDD est moins rentable, étant donné qu’il ne donne pas son maximum de peur d’être exploité puis mis à la porte. Financièrement parlant, un CDD coûte cher à la société vu qu’il exige une veille administrative pour refaire ce contrat une fois arrivé à expiration ou recruter une nouvelle personne. Souvent, l’employé algérien est plus rentable à l’étranger que dans son pays. Que pensez-vous de ce jugement donné par certains employeurs ? Ce jugement est totalement erroné. La preuve est que les multinationales qui exercent en Algérie sont contents de leurs salariés. Seulement, le travailleur algérien, à l’instar de tous ses semblables dans le monde, a besoin de plusieurs conditions pour être rentable. Pour qu’un travailleur fasse tout pour préserver son emploi, donner son maximum et surtout travailler avec cœur, il lui faut une motivation salariale, la présence de conditions d’épanouissement et d’évolution de carrière, de la formation et un cadre de travail sain. Ces conditions sont généralement adoptées dans les multinationales, d’où cette satisfaction des travailleurs algériens. Elles le sont à un degré moindre dans les sociétés algériennes privées ou étatiques. Cela ne veut absolument pas dire qu’il n’existe pas de sociétés algériennes, principalement privées, qui font un travail managérial extraordinaire en la faveur de leurs salariés. C’est dans les TPE (très petites entreprises) et petites entreprises que l’on observe ce manque de conditions favorables à l’épanouissement professionnel. Pour être juste envers les entités économiques privées algériennes, ce constat n’est pas spécifique à la société algérienne, mais est généralisé dans tous les pays du monde. Qu’en est-il de l’entreprise publique ? La situation dans l’entreprise publique est complexe. Cette entreprise, qui était à la pointe dans les années 1970, est en train de régresser. Cette situation n’est pas de la faute des managers, mais c’est dû à un environnement économique qui est, à mon avis, défavorable au management et ôte la liberté d’agir et de s’investir à ces managers. Malgré toutes les compétences qu’ils peuvent posséder, ces derniers sont devenus des agents exécutifs de la volonté de l’Etat au point près. Certains ne sont pas à jour avec les pratiques managériales nouvelles et la plupart, pour ne pas dire tous, ne sont pas valorisés en matière de rémunération. Ils assument leurs responsabilités avec la crainte de se retrouver sous les verrous, d’où l’absence d’initiative dans leur méthode managériale. Pour avoir une entreprise étatique performante, il faut libérer les responsables de leur crainte de la prise d’initiatives, leur assurer un bon salaire et une mise à jour en matière de connaissances managériales. Il faut aussi repenser sérieusement à moderniser l’espace de travail afin de motiver les responsables et les employés à fournir le meilleur d’eux-mêmes. La tendance mondiale actuelle tend à «recruter du cœur». En Algérie, il est impossible d’intégrer cette logique. On peut travailler avec cœur juste au début, puis on se rend à l’évidence... Que pensez-vous des dispositifs d’insertion professionnelle ? Pour moi, il s’inscrivent en dehors de la loi. Ils offrent des emplois temporaires et d’attente, non permanents comme le veut le code du travail. Puisque les emplois permanents ne sont créés que par les entreprises, il aurait été plus rentable pour la résorption du chômage de soutenir les dispositifs de création d’entreprises, tels que l’Ansej ou l’Angem, et d’aider les petites et moyennes entreprises à évoluer et à résister sur le marché.
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