Le pluralisme syndical consacré par la Constitution de 1989 n’a pas tenu toutes ses promesses en matière de liberté d’exercice de l’activité syndicale par les travailleurs algériens. Si dans la Fonction publique, les formations autonomes sont devenues les porte-parole réels et effectifs des préoccupations des fonctionnaires et autres employés des secteurs de la santé, de l’éducation et de l’administration, la réalité est tout autre dans le secteur économique. L’Union générale des travailleurs algériens (UGTA) continue d’être considérée comme étant le partenaire social attitré du gouvernement. Les syndicats autonomes vivent une «interdiction non déclarée» dans les domaines d’activité économique relevant notamment du secteur privé. Des syndicats autonomes d’entreprise commencent à faire leurs premiers pas, timidement, au niveau de certaines sociétés nationales, comme c’est le cas pour Sonelgaz, Algérie Poste.. . «Ces associations, nées à partir de collectifs de travailleurs qui se sont mis en place pour régler une situation d’injustice à l’égard d’un ou plusieurs employés, ont su mûrir pour se transformer en syndicat. Mais là, on est vraiment au début de la formation de syndicats proprement dit, et qui ne bénéficient pas de la médiatisation ni de la reconnaissance des employeurs en tant que partenaire social», estime Driss Mekideche, membre du conseil national du Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (Snapap). Les syndicats autonomes, «réduits» à défendre des préoccupations sectorielles, n’arrivent pas à constituer une centrale syndicale autonome. «L’administration a toujours œuvré pour contrecarrer ce projet, soit en signifiant un refus catégorique à toutes les demandes d’agrément des confédérations de syndicats autonomes, soit en créant des conflits à l’intérieur des formations syndicales», explique, dans une déclaration à El Watan, Meziane Meriane, coordinateur national du Syndicat national autonome des professeurs de l’enseignement secondaire et technique (Snapest), qui a assisté à «l’avortement» de toutes les initiatives de création de blocs de syndicats autonomes depuis le début des années 2000. Pour ces syndicalistes autonomes, l’entêtement des pouvoirs publics à freiner toutes ces initiatives n’a qu’une seule explication, «s’assurer le soutien inconditionnel de l’UGTA pour faire passer tous les textes, en vue de mener sans aucune difficulté toutes les politiques économiques que le gouvernement proposera, selon les conjonctures, quitte à piétiner les droits des travailleurs». Pour ces syndicats autonomes, «la mise à l’écart de toutes les formations syndicales (lors des tripartites, bipartites...) cache des visées politiques et économiques peu rassurantes». Après la généralisation des contrats à durée déterminée à des salaires de misère n’atteignant même pas le salaire national minimum garanti, dans le cadre des formules d’insertion professionnelle à la charge de l’Etat, «le code du travail que le gouvernement veut faire adopter sans embûche permettra de réduire toute opposition au discours officiel et toute forme de revendication». Pour M. Mekideche, le projet de révision du code du travail porte des dispositions dangereuses pour les libertés syndicales à travers l’affaiblissement des acquis concernant le droit de grève, ceci s’ajoutant à la généralisation des CDD et autres formes de contrats de courte durée. «C’est dire que le texte a été proposé par le patronat, seul partenaire d’ailleurs associé à la formulation de cette mouture.» L’UGTA s’est opposée à l’adoption de ce texte que le gouvernement évoque depuis près de 10 ans. «Nous l’espérons vraiment, même si nous sommes persuadés que c’est l’Organisation internationale du travail qui aurait émis des réserves, après la plainte de la Confédération générale des travailleurs en Algérie auprès de cette organisation», révèle le même syndicaliste. Et de rappeller «les conditions précaires de millions de travailleurs sous contrat d’emploi temporaire». «Nous n’avons aucune visibilité de la situation dans le secteur informel, mais nous sommes en train d’alerter l’opinion sur le vécu quotidien des milliers de diplômés sans aucune protection sociale, dans des entreprises productives, avec la bénédiction de l’Etat qui est ainsi le premier responsable de cette précarisation de l’emploi et de la paupérisation de cette population sans retraite ni aucun revenu, dans les prochaines années», dénonce le même syndicaliste.
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