L’appel lancé en 2011 par le chef de l’Etat pour dépénaliser l’acte de gestion est resté lettre morte. Je suis témoin de bien des existences brisées depuis une quarantaine d’années.» Cette sentence, prononcée par Me Miloud Brahimi, dans une interview accordée au Soir d’Algérie dans son édition d’hier, résume, à elle seule, le déni de droit que subissent des dizaines de citoyens. Une réalité cachée derrière les portes des prisons que vient rappeler des cas dont les avocats peuvent prendre l’opinion publique à témoin. Ainsi, le cas de l’ancien PDg de la CNAN, Ali Boumbar, maintenu en détention préventive durant 4 ans sans jugement, rappelle que malgré la multiplication des lois et l’introduction, dans la dernière version de la Constitution, de clauses portant sur la protection des droits de l’homme et limitant surtout le champ d’application de la détention préventive, la réalité est loin d’être aussi brillante. Plus que cela, concernant précisément les cadres gestionnaires, l’appel lancé en 2011 par le chef de l’Etat pour dépénaliser l’acte de gestion est resté lettre morte. Absence de volonté politique ou manque de formation des magistrats ? Quelles qu’en soient les causes, les faits démontrent que de célèbres détenus — ce qui suppose l’existence de milliers d’anonymes — croupissent en prison sans aucune perspective de jugement. Ainsi, le général Hocine Benhadid vient de quitter la prison d’El Harrach après plusieurs mois de détention. L’ancien militaire, emprisonné pour avoir fait des déclarations que le ministère de la Défense jugeait «diffamatoires», n’a été libéré qu’après une intense campagne médiatique qui a mis en avant l’urgence de son état de santé. Mais avant cela, ni le détenu ni ses avocats ne savaient quand l’homme allait être jugé. Avant Ali Boumbar, un autre ancien dirigeant de la CNAN, Ali Koudil, avait subi le même sort. Il a passé plusieurs mois en prison avant d’être relâché sans que son procès soit programmé. L’ancien PDG, qui avait passé 6 ans en prison avant d’être acquitté dans une première affaire, n’était pas seul dans ce cas. D’autres cadres de l’entreprise ont subi le même sort. Autre affaire, autre détenu : accusé d’avoir assassiné l’ancien directeur général de la Sûreté nationale, Ali Tounsi, en février 2010, Chouaïb Oultache, ancien chef de l’unité aérienne de la Sûreté nationale, croupit en prison depuis 6 longues années. Aucune perspective n’est précisée quant à la tenue de son procès. Pourtant, l’homme a déjà été jugé pour d’autres affaires, liées notamment à l’achat de fournitures pour le département qu’il gérait. Mais l’affaire centrale reste pendante. Un cas qui rappelle celui d’un autre crime. Lounès Matoub est assassiné, le 25 juin 1998, à Tala Bouinan, sur la route qui mène de Tizi Ouzou à Beni Douala. Les services de sécurité arrêtent deux jeunes, Malik Medjnoun et Chenoui. Après douze ans de détention sans procès, ils seront condamnés, en 2012, à douze ans de prison. Ils sont en liberté. Pourtant, des avocats et des défenseurs des droits de l’homme ne cessent de dénoncer ce qu’ils qualifient d’atteintes aux droits de l’homme. Ils mettent en cause notamment les abus enregistrés dans l’application de la détention provisoire. Des reproches que les magistrats refusent d’admettre. Une énigme.
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