Hugh Roberts est revenu sur sa position qui ne cautionne pas la thèse de la guerre civile. Hugh Roberts, chercheur et politologue britannique, ancien directeur du bureau Afrique du Nord de l’International Crisis Group, a été l’invité, en fin d’après-midi de samedi dernier, du Café littéraire de Béjaïa pour une rencontre autour de son livre Algérie-Kabylie, études et interventions, édité chez Barzakh en 2014. Son absence d’Algérie depuis quatre années n’a pas fait changer la lecture qu’il fait de la représentation politique dans notre pays, bien qu’elle l’empêche de répondre à la question de savoir «si les règles du jeu dans la distribution des responsabilités dans les institutions formelles algériennes ont changé depuis». Hugh Roberts est revenu sur sa position qui ne cautionne pas la thèse de la guerre civile soutenue par, entre autres analystes, Luis Martinez pour qui la décennie noire a été celle «d’une guerre civile, politique et sociale plutôt que religieuse». Le chercheur britannique remet en cause la thèse martinezienne qui, en plus de l’idée désignant ce qu’il appelle les «bandits politiques», a cru voir que «tout Algérien est habité par un imaginaire de la guerre». Pour Hugh Roberts, s’il y a lieu de parler d’imaginaire, ce serait celui de «la Guerre de Libération», estimant que Martinez a évacué de son analyse «ce qui est beaucoup plus important», à savoir répondre, avec une approche plus politique et au-delà des choix des individus, à la problématique plus profonde de savoir pourquoi notre pays a sombré dans la violence. Le point de vue est remis en cause dans Algérie-Kabylie en désignant l’influence de la vision orientaliste, ou essentialiste, réductrice, «très à la mode dans les études sociologiques». De tels développements politiques, le conférencier veut qu’on les «prenne très au sérieux», refusant de croire que c’est «la structure sociale ou religieuse qui détermine tout». Hugh Roberts propose plutôt de s’intéresser à l’importance des institutions qui ont fait naître des traditions après l’indépendance nationale, mettant l’accent sur les «réformes» que celles-ci ont connues. Il estime que Boumediène s’est attelé à «l’édification d’une nation» en promouvant le «dépassement des rivalités identitaires» et que le nouveau régime de Chadli a changé de fusil d’épaule, ce qui a eu pour conséquences des «affrontement physiques». Hugh Roberts a aussi écrit sur les événements tragiques de 2001 en Kabylie. Il reprend, dans Algérie-Kabylie, le rapport qu’il a rédigé pour le compte d’une ONG, mais sans les recommandations qu’il avait formulées à l’époque. Bien qu’affirmant qu’il est «parfaitement conscient qu’il y ait des questions très troublantes à poser» en rapport avec ces événements, le conférencier ne les pose pas face au public, peu nombreux, du Café littéraire, en affirmant toutefois qu’il prend au sérieux l’hypothèse de «manipulations et d’instrumentalisation». Il invite, cependant, à distinguer entre la tradition de tajmaât et la question des archs qui a donné son nom au mouvement populaire. Son enquête de terrain à Béjaïa a amené Hugh Roberts à constater un niveau d’organisation qui va du village à la commune puis à la daïra sans passer par le arch. Son enquête lui permet d’avancer qu’«on a utilisé ce terme qui a perdu en partie son sens, mais pour une autre fin». Il constate que le mouvement de 2001 a été l’œuvre d’abord d’une «force citadine» avant que «la société villageoise ne prenne le pas». Cela ne l’autorise pas à opposer société moderne et société traditionnelle, clivage né d’une vision colonialiste, dit-il. «Toute société a ses traditions», indique-t-il.
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