Contrairement à l’année dernière, les prix ont tendance à atteindre des sommets donnant, par la même, à réfléchir aux parents qui sont tiraillés entre un portefeuille de plus en plus dégarni et des enfants toujours plus exigeants. En ce mardi de fin août, les artères de la capitale grouillent. Alger vit au rythme de la rentrée sociale. De la Grande-Poste à la place des Martyrs, un grand nombre de parents accompagnés de leurs enfants circulent difficilement sur les trottoirs des allées commerçantes. Les magasins de vêtements et de chaussures sont pris d’assaut. Devant la rareté des papeteries et autres commerces consacrés aux articles scolaires, la foule se dirige vers la Mecque de l’informel. L’ «inéradicable» marché de Sahet Echouhada. Véritable baromètre de l’économie nationale, dans un pays où l’économie informelle représente plus de 40% du PIB, l’espace reste la destination phare des petites et moyennes bourses pour répondre aux besoins du moment. Contrairement à l’année dernière, les étals consacrés aux articles scolaires se comptent sur les doigts d’une main. «Beaucoup de commerçants ont refusé de miser sur l’article scolaire», indique un trentenaire oisif devant son étal consacré aux couvertures de cahiers multicolores égayées par des personnages de dessins animés. A 20 DA l’unité pour les cahiers de petit format et 40 pour les grands, les clients ne se bousculent pas. «A la même époque, l’année dernière, j’avais déjà vendu 10 cartons de ce produit. Cette année, j’ai à peine entamé le troisième. Mes ventes ont donc chuté de plus de 70%», constate le commerçant informel dont l’activité varie au gré des saisons. Plus loin, à une autre «table» mieux garnie, le vendeur confirme cette tendance à la baisse des achats. «Vous voyez, là je peux vous parler à l’aise. L’année dernière, à la même époque, je n’aurai même pas pu m’entretenir avec vous tellement les clients étaient nombreux», image-t-il sans pouvoir expliquer ce phénomène. «Pourtant les produits sont disponibles en termes de quantité et de variété», poursuit-il, en annonçant toutefois une augmentation d’environ 40% des prix par rapport à l’année passée. Cahier de 96 pages à 30 DA, celui de 120 à 35 DA, une trousse varie de 200 à 250 DA, les boîtes de crayons de couleur à 300, les stylos vont de 25 à 80 DA pour ceux dits «fantaisies» et 1200 DA le cartable, les minima des prix donnent le vertige aux parents qui ont plusieurs enfants en âge de scolarité. «Il faut compter plus de 5000 DA pour remplir le cartable d’un écolier de première année», estime le commerçant. A l’autre bout de son étal, une jeune maman a du mal à se faire obéir par sa petite fille de six ans captivée par des taille-crayons en couleur à l’effigie de Hello Ketty. Devant les 60 DA pour un petit sac de jetons et de bûchettes et 250 DA pour la petite boîte de pâte à modeler, la mère use d’autorité et tire son enfant par le bras. «C’est trop cher», lance-t-elle en s’éloignant. Paradoxalement, une autre maman sort les gros billets verts, sourire aux lèvres. «Je pense avoir acheté l’essentiel pour mes deux enfants avec 6000 DA. J’étais dans une des grandes surfaces de la capitale, j’ai acheté un cartable et des broutilles, ça m’a coûté près de 10 000 DA. Là, c’est quand même abordable», assure-t-elle. «Pour pouvoir donner une échelle d’appréciation sur le marché de l’article scolaire, il faudra attendre la première semaine de la rentrée», explique le docteur Mustapha Zebdi, président de l’Association de protection et orientation du consommateur et son environnement (Apoce). Il affirme toutefois avoir enregistré une hausse moyenne des prix estimée à 20%. Pour ce qui est du coût du cartable pour un enfant scolarisé, le Dr Zebdi donne une fourchette de 6000 à 12 000 DA «selon la qualité du produit». C’est une véritable saignée qui attend les parents qui ont plusieurs enfants scolarisés, sachant que le salaire moyen des Algériens (selon l’évaluation de l’ONS 2014) est de moins de 38 000 DA. Pour ce qui est du peu d’engouement des clients enregistré par les vendeurs de la place des Martyrs, le président de l’association évoque l’abstention. «Par le fait de l’avancement de 10 jours du calendrier hégirien, les ménages ont connu plusieurs secousses sociales. Après les dépenses consacrées au Ramadhan, l’Aïd El Fitr, la saison estivale et l’Aïd El Kebir à venir, les familles sont dans l’expectative. Beaucoup de dépenses ont été concédées. Elles attendront donc d’y être obligées – par la rentrée des classes – pour sortir encore leur portefeuille», explique-t-il. Notons qu’à salaire égal, le pouvoir d’achat des citoyens a chuté d’au moins 30% équivalent à la dévaluation du dinar ces derniers mois. «On ne produit presque rien localement, en articles scolaires ou autres. Et ce qui est fabriqué est fait à base de matières premières importées. Donc, oui la dévaluation de notre monnaie touche de plein fouet le consommateur», confirme Mustapha Zebdi. Loin d’être suffisante, l’aide de l’Etat accordée aux familles nécessiteuses – 800 DA la prime de scolarité et 3000 pour l’allocation spéciale de scolarité (3 millions de bénéficiaires) – gagnerait à être révisée, selon notre interlocuteur. «Il faut réévaluer ces aides et, surtout, je demande aux responsables locaux de distribuer ces primes dès la première semaine de la rentrée des classes», préconise le Dr Zebdi.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire