Privé de liberté provisoire, Slimane Bouhafs restera en prison jusqu'au verdict de l'affaire. Le procès en appel de Slimane Bouhafs, un ex-policier condamné en première instance à 5 ans de prison ferme et 100 000 DA d’amende pour «atteinte à l’islam et au Prophète Mohamed», sur la foi de publications postées sur facebook, s’est tenu hier matin à la cour de Sétif en présence de ses avocats, dont maîtres Sofiane Ikken et Salah Dabbouz, dépêchés par la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADDH), de militants de cette Ligue à l’image de Saïd Salhi et Hocine Boumedjane, ainsi que des membres de sa famille et des citoyens venus apporter leur soutien. Le début du procès s'est tenu dans une ambiance plutôt tendue car des membres des services de sécurité refusaient l'entrée à tous ceux qui n'étaient pas munis d'une convocation même si, comme l'ont eu à le déplorer des membres de la LADDH, l'audience était publique. Interrogé par le juge, Slimane Bouhafs a nié, de prime abord, toute intention de sa part de porter atteinte à l'islam ou à son Prophète. «J'ai juste partagé certaines publications, parfois sans même les lire. D'autres publications ont été postées par des personnes qui cherchaient à me nuire. D’habitude, je lis et je supprime», a-t-il dit. «Tu es libre de pratiquer ta religion mais pas de porter atteinte à la religion musulmane», rétorque le juge en référence au fait que le prévenu a embrassé le christianisme depuis l'année 1997. En début d'audience, Slimane Bouhafs paraissait fatigué, stressé et tendu. «Tu as accusé l'islam d'être violent et intolérant. Qu’as-tu à répondre à cela», demande le juge. «Je n'ai jamais dit que l'islam est intolérant. J'ai partagé des choses venant d'amis virtuels sans même les lire. Il en va de même pour ces versets qu'on m'accuse d'avoir falsifiés. Ce sont les gens que je combattais hier dans les maquis qui me créent aujourd'hui des problèmes», dit-il. La parole est ensuite donnée aux avocats de la défense et c'est Me Dabbouz qui monte en premier au créneau. «C'est du jamais vu ! Mon client a été arrêté, auditionné et condamné sans défense, en l'espace de 6 heures, le 31 juillet. C'est impensable !» s'exclame l'avocat en référence aux nombreuses irrégularités qui ont émaillé le procès tenu en première instance au tribunal de Beni Ouartilane. «Et puis, dites-nous comment savaient-ils qu'il y avait ces ''atteintes'' sur son mur de profil ? En réalité, il y a des gens animés par des raisons politiques derrière cette cabale contre mon client», dit-il encore. Me Dabbouz soutient que son client a été victime de ses positions contre l'islam politique. Après avoir rappelé que Slimane Bouhafs n'est pas contre la religion musulmane mais contre l'islam politique, l'avocat demande l'annulation pure et simple des poursuites aux motifs que les droits du prévenu n'ont pas été respectés et qu'il n'a pas été prouvé que les publications qu'on lui reproche sont de lui. Dans sa plaidoirie, Me Ikken, lui, dira que la dignité de son client n'a pas été respectée lors de son arrestation et de son audience, avant de s'attaquer à l'article qui stipule que l'islam est religion d'Etat : «Un Etat est une personne morale et ne peut de ce fait avoir de religion. J'ai prié et jeûné avec beaucoup de personnes, mais jamais encore avec un Etat...» Me Ikken précise alors que son client est contre l’islam radical : «Il y a une branche de l'islam radical qu'il dénonce mais pas la religion musulmane en tant que telle. Il est possible qu'il se soit exprimé de manière un peu brutale mais il est en train de dire devant vous qu'il respecte cette religion qui n'est peut-être pas la sienne, mais qui est tout de même celle de ses parents et de sa femme», dit-il. Pour finir Me Ikken demandera l’abandon pur et simple des poursuites engagées contre son client. Le dernier avocat à intervenir reviendra sur l'état de santé de Slimane Bouhafs. «Mon client souffre de troubles psychologiques graves. Ce sont les séquelles de ce qu'il a vu et vécu quand il combattait le terrorisme en tant que policier. Il a vu l'innommable, l'indescriptible et cela l'affecte encore aujourd'hui», dit-il, en tendant au juge des certificats médicaux attestant de ce qu'il avance. Autre argument mis en avant : le fait que le profil d'une personne sur facebook ne peut être consulté que par les amis de cette personne. «Personne ne peut consulter son profil s'il n'est pas ami avec lui. Au sein d'un groupe d'amis virtuels, on échange des idées et on débat. Ce débat et ces échanges restent limités à ce groupe», précise-t-il. Au terme de l'audience, le juge demande à Slimane Bouhafs de dire son dernier mot. «Pardon», dit-il au juge, qui lève la séance en précisant que le verdict final sera rendu mardi prochain. En attendant, Slimane Bouhafs restera en prison après que le juge ait rejeté la demande de liberté provisoire pour raison de santé introduite par ses avocats.
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