Pour le ministre, le maintien du départ à la retraite sans limite d'âge est devenu un risque pour l'avenir de la CNR. L’actuel système de retraite algérien est-il menacé ? Les experts et les économistes pensent que oui, si des mesures concrètes et radicales ne sont pas prises. Le sujet est sensible et si délicat que Mohamed El Ghazi, ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, avait du mal à cacher son inquiétude lors de son passage, lundi dernier, au JT de 20h de la Télévision algérienne. Pour faire passer ses messages à cette heure où l’audience est la plus forte, il a donné plusieurs indicateurs. «La Caisse nationale des retraites (CNR) porte un lourd fardeau, il faut savoir qu’il y a 3 millions de bénéficiaires de pensions et allocations de retraite, ce qui représente un montant versé de 870 milliards de dinars. La Caisse ne peut supporter à elle seule cette situation, d’où la décision du Premier ministre de faire appel à la solidarité intercaisses, CNAS, Casnos.» En Algérie, il y a 2,1 actifs pour un retraité, alors que la norme internationale est de 5 actifs pour un retraité. La retraite proportionnelle complique la situation. En effet, sur les 1,7 million de retraités, 890 000 sont partis en retraite anticipée, soit 52% des retraités de moins de 60 ans, auxquels la CNR verse annuellement 405 milliards de dinars. Les économistes rappellent que le départ à la retraite sans condition d’âge est une exception qui a fini par devenir une règle. Il s’agit d’une disposition décidée dans le cadre des réformes structurelles imposées par le Fonds monétaire international (FMI) à l’Algérie en 1997 pour atténuer les effets de la crise économique. Ainsi, au lieu de licencier des travailleurs, le recours au départ en retraite sans limitation d’âge avait été adopté, d’où la promulgation de l’ordonnance 97-13. Les économistes estiment que cette disposition aurait dû être rectifiée après que la crise économique ait été dépassée, puis suivie d’une embellie financière, relevant que cette situation a amené les travailleurs à considérer le maintien du départ à la retraite anticipée comme un acquis. Ils qualifient de «perte pour l’économie nationale» le départ en retraite de nombreux cadres à 50 ans ou moins, alors que c’est à cet âge-là qu'ils sont en mesure de donner le meilleur d’eux-mêmes du fait de leur maturité et de leur expérience. M. El Ghazi souligne qu’il s’agit de «revenir à l’ancien référentiel de 1983 qui stipulait que l’âge de la retraite est de 60 ans». Il fait un petit comparatif avec la France, pays où l’âge légal pour partir à la retraite est de 62 ans avec 50% du salaire et une cotisation de 43 ans, alors qu’en Algérie, il s’agit de 80% du salaire et une cotisation de 32 ans, ce qui «représente le taux le plus haut par rapport à la majorité des pays de la Méditerranée et des pays développés». Il faut signaler néanmoins que la valorisation de la retraite qui était de 10 à 15% les années précédentes a été réduite à 2,5% pour l’année 2016. Outre les cotisations des salariés, la CNR bénéficie depuis une décennie d’un système de refinancement via la fiscalité pétrolière. En effet, 2% de cette fiscalité est affectée à cette Caisse afin d’assurer sa pérennité et garder ses équilibres financiers. Mais la chute vertigineuse des prix du pétrole a fait baisser de manière considérable la fiscalité pétrolière et, de ce fait, affecté directement les finances de la CNR. Ainsi, le ministre, à travers ces statistiques, veut accréditer la thèse qui consiste à dire que le maintien du départ à la retraite sans limite d’âge est devenu un risque pour l’avenir de la CNR. Pour rappel, la dernière rencontre tripartite (gouvernement-UGTA-patronat) du 5 juin 2016 a considéré que dans le souci de préserver et consolider le système national de retraite, «les conditions actuelles ne permettent plus le maintien du dispositif de départ à la retraite sans condition d’âge». L’hypothèse d’un impact durable de la crise est un argument utilisé par le gouvernement pour affirmer l’urgence d’une réforme de la retraite. Faisant l’objet de débats, voire de conflits, le gouvernement est face à un challenge : arriver à un compromis entre les différents acteurs politiques et sociaux.
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