Le diplomate et ancien ministre de la Communication, Abdelaziz Rahabi, nous livre son analyse de la dernière tentative marocaine de chasser le Sahara occidental du Sommet afro-arabe. Selon lui, la tentative s’est soldée d’abord par un cuisant échec pour le royaume et ses alliés du Golfe. Ensuite, ce qui s’est passé à Malabo (Guinée équatoriale) est un signal fort au Maroc et à ceux qui veulent diviser l’Union africaine… Le Maroc vient de rameuter les monarchies du Golfe pour tenter d’exclure le Sahara occidental du Sommet afro-arabe qui s’est tenu en Guinée équatoriale. Selon vous, à quoi rime ce geste alors que le royaume chérifien veut intégrer officiellement l’Union africaine ? J’ai l’impression que cela participe d’une stratégie qui vise à geler les activités de l’Union africaine (UA). Parce que le socle doctrinal de l’UA s’est constitué autour des mouvements de libération. Deuxièmement, la stratégie vise à démultiplier les organisations régionales — c’est une stratégie commune au pays du Golfe, au Maroc et à la France — sur lesquelles ils peuvent avoir une autorité au détriment de l’UA, qui risque d’être vidée de sa substance. Cette stratégie marocaine pourra-t-elle réussir ? Il y a toujours une différence entre ce qu’on veut et ce que l’ont peut faire. Il est clair qu’entre une projection stratégique et la réalité du terrain, les choses peuvent évoluer très vite. Et la dernière expérience de Malabo (Guinée équatoriale) est signal fort à ceux qui veulent diviser l’UA. C’est également un signal très fort aux pays du Golfe qui n’ont pas une histoire africaine et qui ne connaissent pas l’Afrique ; le message qui leur est envoyé consiste à dire que la pénétration par le truchement de la pression et de l’argent ne fonctionne pas. Ce n’est pas en faisant des promesses d’investissement en Afrique qu’on récolte des amitiés. L’Afrique est un vieux continent qui a des traditions de lutte anticolonialiste très ancrées dans son histoire et les pays du Golfe connaissent très mal cette réalité. En somme, cela procède d’une méconnaissance affligeante de l’Afrique et de la mentalité africaine. Pour preuve, aucun des 54 membres de l’UA, y compris le Sénégal, n’a quitté la conférence. Pourquoi, selon vous, les monarchies du Golfe et la majorité des pays arabes ne soutiennent pas la cause sahraouie ? Ce n’est pas nouveau. Ils soutiennent par principe un allié traditionnel et stratégique qui est le Maroc. Tout les rattache au Maroc : l’identité des régimes, la communauté des destins… Cela n’est pas surprenant. Ce qui est nouveau, c’est l’arrogance des nouveaux riches affichée en Afrique, qui est un continent qui a beaucoup de dignité, considérée comme une valeur ancestrale. Ce qui vient de se passer à Malabo aura-t-il une influence sur le sort de la demande marocaine d’adhérer à l’UA ? Cela renforce un groupe d’Etats influents au sein de l’Union africaine et sa conviction que le Maroc demande à intégrer l’organisation pour geler ses activités et la vider de sa substance. Et cela, en favorisant des organisations régionales, notamment d’Afrique de l’Ouest, qui sont favorables aux thèses marocaines. Savez-vous quelle est la différence entre l’Algérie et le Maroc ? Nous, nous avons — en raison de notre voisinage, du fait que nous partageons plus de 6500 km de frontières avec sept pays, que nous sommes un acteur majeur dans la lutte antiterroriste et que nous sommes la véritable porte de l’Afrique — notre propre agenda. Nous ne sommes pas inscrits dans un autre agenda non africain. Les Africains le savent, car notre politique est africaine depuis Jugurtha.
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