samedi 12 novembre 2016

«Penser l’événement pour ne pas succomber à l’actualité»

Boat peoples, harraga, attentats meurtriers… l’actualité dans la Méditerranée est grosse de tous les risques. La «mer intérieure» ne compte plus ses catastrophes. Sur ses bords Sud, les drames n’en finissent pas, particulièrement après les révoltes arabes. Mais pas seulement. Au Nord, des attentats provoquent des crispations et le rejet de l’autre, celui qui vient du Sud, qu’il ait le visage du réfugié, de l’immigré. «Une brèche s’ouvre, un gouffre engloutiT, mais qu’advient-il avec une faille ? Elle est plus qu’une simple fissure, dans tout son étirement, mais elle n’est pas encore une fracture irréparable. Il reste un monde possible», constate Thierry Fabre, fondateur et concepteur des Rencontres d’Averroès, organisées à Marseille. La 23e édition s’est ouverte jeudi, sous le thème «Surmonter les failles ?». Interrompue l’année dernière par les attentats de Paris du 13 novembre 2015 qui ont endeuillé la France, l’édition de cette année permet de revenir sur les «failles» qui séparent les deux rives de la Méditerranée. «Ces attaques nous ont imposé le silence, or il s’agit justement de reprendre la parole dans l’espace public, de renouer avec l’échange, la pensée la contreverse», insiste Thierry Fabre. Tout en reconnaissant que le discours dominant est celui de la fracture, de la séparation, de la guerre entre les civilisation annoncés par Samuel Huntington, Fabre fait sienne la phrase de la philosophe Hannah Arendt : il convient de «penser l’événement pour ne pas succomber à l’actualité». Les rencontres de cette année, qui voient la participation de plusieurs chercheurs de différentes disciplines, se déclineront à travers des tables rondes qui reviendront sur les failles généalogiques, historiques, géopolitiques mais aussi dans la cité.     Les conférenciers s’interrogeront sur la relation de l’Europe avec l’islam, sur l’histoire des décolonisations, avec la participation de Abdelmadjid Merdaci et Benjamin Stora. Les événements au Proche et au Moyen-Orient ainsi que dans les cités ne seront pas en reste. Un dico de la Mare Nostrum Les Rencontres d’Averroès ont été l’occasion de présenter le Dictionnaire de la Méditerranée. Fruit de huit années de recherches, cette publication, signalent ses promoteurs, rend compte des récents travaux consacrés aux savoirs, aux territoires, aux mémoires, aux figures emblématiques et aux pratiques d’un ensemble d’une grande complexité et d’une exceptionnelles recherches. Publié par les éditions Actes Sud — dont une version en arabe en préparation au Maroc — ce dictionnaire de quelque 1696 pages a permis d’associer toutes les disciplines des sciences humaines et sociales et dresse l’état des lieux des connaissances actuelles. En parallèle au lancement du dictionnaire s’est ouvert le Collège de la Méditerranée avec une première leçon organisée au grand théâtre de la Criée par Julien Loiseau, historien, accompagné d’un discutant, l’universitaire tunisien Sobhi Bouderbala. Portée par un collectif de jeunes chercheurs venus des deux rives de la Méditerranée, cette «université hors les murs» permettra de prolonger les Rencontres d’Averroès par l’organisation de conférences tout en long de l’année prochaine à Marseille et dans toute la France. Cette édition des Rencontres est «réinventée» avec une nouvelle organisation et de nouveaux partenaires. «Une édition qui prend en compte à la fois la fragilité de la cité, les replis et les peurs, mais qui tente aussi d’ouvrir de nouveaux horizons et cherche à explorer d’autres chemins pour surmonter la faille, sous le signe de cette belle et haute figure d’Averroès, passeur d’entre les monde», estime Thierry Fabre, concepteur de rencontres et d’événements au MuCEM.

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