vendredi 27 janvier 2017

Vague de froid : Des associations au secours des sans-abri

Scandaleux ! Maria Touati, une jeune femme sans domicile fixe, a été retrouvée, cette semaine, gelée, sans vie, à Ngaous, dans la wilaya de Batna. La vague de froid qui sévit depuis au moins deux semaines a mis à nu les dysfonctionnements des structure de l’Etat. En attendant une réelle prise en charge, les associations viennent au secours des SDF. El Watan Week-end a suivi la démarche du groupe Le cœur sur la main.  «Recevoir un repas chaud pendant l’hiver est une chance pour moi, surtout quand il est bien garni. Je peux le conserver et le manger à deux reprises la nuit venue. Quand les températures baissent vraiment au beau milieu de la nuit ou au petit matin», affirme Saliha, 46 ans, originaire de Tiaret et sans-abri. Elle erre depuis cinq ans sans but dans les rues d’Alger, entre Bab El Oued et la place des Martyrs. N’ayant pas les moyens de se nourrir convenablement, Saliha compte beaucoup sur les aides que lui apportent certaines associations, des particuliers et quelquefois le Croissant-Rouge. «Quand il pleut sans arrêt, les gens ne s’arrêtent pas forcément pour faire l’aumône, alors j’ai du mal à me réchauffer la journée. Je tente d’éviter les lieux où s’installent des SDF comme moi, pour ne pas avoir de problèmes», dit-elle. Sofiane, 19 ans, est dans le même cas, il s’est retrouvé très jeune à la rue, suite au décès de son père. Son oncle l’a chassé, car ne pouvant s’occuper d’un adolescent intrépide, sans doute choqué de se retrouver du jour au lendemain sans ses deux parents. «J’ai froid et je n’ai pas de veste, mais je viens de Bab Ezzouar à Alger- Centre presque chaque jour pour trouver un repas, et j’espère qu’on me donnera une bonne veste», raconte Sofiane, qui a appris, il y a deux semaines par un médecin bénévole, qu’une association servait des repas copieux aux SDF. Lorsqu’il est 19h, la ville se vide de son brouhaha, les rideaux des commerces sont baissés, les marchés ferment et sous les tinda s’installent des sans-abri, un peu partout. Ils tentent de trouver une place, loin des marcheurs pressés et de la police qui circule, ça et là. Dons Les sans-abri ne trouvent refuge que dans le calme des nuits glaciales. Ils ne se rassemblent presque jamais en groupe, ce qui rend la tâche plus difficile pour les associations qui activent sur le terrain. Dès 18h30, quelques associations algéroises se déplacent pour offrir des repas chauds, des vêtements d’occasion, et parfois des services spécifiques liés à l’hygiène. C’est le cas de l’association Le Cœur sur la main située à Télémly, qui fait ce travail depuis pratiquement six ans sans relâche et dépendant des dons de particuliers. «Nous avons besoin de 30 000 DA à chaque action pour fournir 150 repas aux SDF. Ces repas préparés par un traiteur sont composés d’un plat traditionnel, d’un morceau de viande, de pain, d’une bouteille d’eau…»  décrit Fares Kader Affak, militant et président de l’association Le cœur sur la main. «J’invite les gens qui donnent de l’argent pour les repas à venir servir avec nous ; certains viennent déjà et nous aident. Nous faisons cette action depuis le début de la création de notre association, c’est-à-dire six ans. Je peux vous assurer que les repas que nous servons aux sans-abri, je pourrais en servir à mon invité», assure-t-il. L’association est ouverte tous les jours pour accueillir des dons, des bénévoles et abriter d’autres activités dans un espace dédié à cet effet. C’est vers 16h que les bénévoles se regroupent et accélèrent la cadence, pour installer des tables sur lesquelles ils disposent des boîtes en aluminium dans lesquelles seront servis les repas. Opérations Sur une autre table sont disposées des cuillères en plastique et des serviettes en papier, un peu plus loin un groupe compte les bouteilles d’eau minérale et prépare les sachets pour y mettre le repas. Sans relâche, toute la bande termine une tâche et revoit ce qui pourrait manquer. Les bénévoles sont des étudiants, des cadres et des militants. Ils viennent à chaque opération, un peu plus que d’habitude avec la vague de froid qui a paralysé la ville depuis des semaines. Vers 18h, le traiteur arrive enfin au siège de l’association. Une ambiance collégiale mais efficace règne et rend le travail moins contraignant. Debout les bénévoles restent motivés jusqu’à la fin. Quelques-uns   mettent les repas dans des paniers puis les installent dans le camion qui sillonne les rues pour les distribuer. Une fois dans la rue, la distribution se fait machinalement. Quelques sans-abri avancent en toute confiance vers le camion de l’association, car ils le reconnaissent. «La première que nous avons fait notre sortie pour les sans-abri, nous étions avec un médecin, c’était compliqué de les approcher», confie Naziha Fares, membre de l’association Le cœur sur la main. «Avec le temps, ces sans-abri se sont habitués à notre présence et savent qu’ils reçoivent un bon repas avec nous. La dernière fois, les SDF nous ont réclamé des chaussettes. Et cette fois, nous leur en avons apporté. Ce soir, ils trouveront un repas et des chaussettes pour se prémunir du froid», affirme-t-elle. Vêtements «Il m’est arrivé de remarquer, au niveau de la place des Martyrs, un camion servant de la nourriture. Mais les repas sont restés sur le sol, aucun SDF n’y a touché, car ce n’était pas consistant», témoigne Naziha Fares, qui n’hésite pas à aller sur le terrain et affronter le froid. Même si elle ne l’avoue pas aisément, elle constate chaque jour la détresse de ces personnes qui se retrouvent à la rue. «Tout le monde peut se retrouver dans cette situation fragile, la précarité est une chose que l’on vit seul. Si notre association peut apporter un plus et rendre le froid moins pénible, c’est une bonne chose», dit elle, tout faisant part de son mécontentement face aux dons de vêtements qui sont souvent inutilisables. «Je regrette de me retrouver avec des dons de vêtements déchiquetés, sales et qu’on ne peut donner même après lavage. L’association s’est fournie en machines à laver sophistiquées, mais on se retrouve avec des kilos de vêtements à trier et à laver. J’aimerai vraiment que les gens fassent attention à ce qu’ils donnent. Notre association n’est pas un dépôt de déchets mais bel et bien un lieu de collecte», informe-t-elle.  

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