Alors qu’ils n’ont pas le droit d’exercer sur le sol algérien, de nombreux bureaux d’étude continuent à rafler tous les projets et travaillent en toute illégalité. L’expert international Jamel Chorfi pointe du doigt les principales failles. Décryptage. Urgence Le premier paramètre qui a facilité l’entrée de ces bureaux d’études étrangers sur le sol algérien, c’est l’urgence. En effet, depuis la création des plans quinquennaux, on a modifié la loi sur la promulgation du texte sur le code du marché public. Ainsi, dans l’urgence de réaliser tous les programmes de logements, les entreprises algériennes n’ayant pas les moyens de prendre en charge la réalisation de ces plans, notamment à cause de la décennie noire, le gouvernement a fait appel a des entreprises étrangères. C’est alors qu’on a fait un dispositif dans le code du marché public (article qui confie à l’entreprise toute l’action globale de la maîtrise d’œuvre et la maîtrise d’ouvrage). Autrement dit, on confie un projet à une société lambda. L’ensemble des projets ont été confiés en mode étude et réalisation à ces entreprises. Dans l’urgence, nous avons brûlé toutes les étapes du triptyque (maître d’œuvre «bureau d’étude, maître d’ouvrage, et l’entreprise de réalisation). C’est-à-dire que c’est à l’entreprise de faire tout. C’est une échappatoire. Ainsi, en créant ce mode de passation sur le code du marché public, le marché algérien a été envahi par les étrangers. Vide juridique Certains étrangers ont profité du vide juridique existant pour exercer en Algérie en toute impunité. La faille ? Elle se trouve dans le code du commerce, dans lequel il y a ce qu’on appelle «l’entreprise d’architecture». Cette appellation entraîne un amalgame. Est-ce une entreprise de réalisation ou seulement un bureau d’études. Finalement, si par cette appellation, on fait référence au premier cas, cela n’est pas normal, car il y a un article sur l’entreprise de réalisation qui est très clair (article 311). S’il est fait référence au deuxième cas, c’est aussi faux, car c’est une fonction réglementée. Autre faille qui a bien servi ces bureaux d’études : la commande privée. A part ce qui concerne la maîtrise d’oeuvre en architecture où il y a quelques textes de loi, toutes les autres «branches» en architecture ne sont pas réglementées, notamment la commande privée. Ainsi, ces étrangers travaillent beaucoup avec le secteur privé dans le cadre de la commande privée. Agréments Pour pouvoir exercer sur le sol algérien, il est impératif d’être titulaire d’un agrément. Et c’est au conseil de l’Ordre des architectes que revient cette tâche. Conformément aux textes de lois, le conseil de l’Ordre ne peut délivrer cet agrément que lorsque le bureau d’études en question a rempli tous les critères nécessaires à cette délivrance. Ainsi, le décret législatif 94/07, qui explique les modalités d’obtention de l’autorisation d’exercer son métier sur le sol algérien, met en évidence deux cas. Soit dans le cadre d’un avis d’appel d’offres ou concours international comme cela a été fait pour la grande mosquée. Dans ce cas de figure par exemple, il y a eu des participations algériennes et étrangères. Par la suite, c’est le président de la République qui a choisi le bureau d’études allemand. Ainsi, la loi stipule que lorsqu’un bureau d’études étranger remporte un concours, il doit impérativement s’inscrire dans l’Ordre des architectes pour avoir un agrément ponctuel pour le projet en question, et ce, malgré sa réussite au concours. Finalement, ces bureaux d’études ont eu un agrément ponctuel. C’est-à-dire qu’ils travaillent sur le projet en question et n’ont pas le droit d’avoir d’autres projets en parallèle, ce qui n’est malheureusement pas respecté chez nous. Deuxième cas de figure : on délivre des agréments aux bureaux d’études venus de pays avec qui l’Algérie a un rapport de réciprocité. Sauf que l’Algérie, représentée par son Ordre des architectes, n’a pas signé, depuis la création de cet organisme en 1994 d’accord de réciprocité avec qui que ce soit. C’est-à-dire, elle ne peut délivrer un agrément à un bureau d’études alors qu’il n’y a pas de reconnaissance d’agréments des deux parts. 51/49 Autre échappatoire pour ces bureaux d’études : profiter des 51/49%, la règle 51/49 régissant l’investissement étranger avec un partenaire local en Algérie. Cependant, cela se fait en parfaite contradiction avec les textes de loi. Il faut savoir que le métier d’architecte n’est pas soumis au Centre national de registre de commerce (CNRC). En effet, le métier d’architecte est soumis à un agrément délivré par l’Ordre des architectes. Ces bureaux d’études usent alors de stratagèmes pour pouvoir exercer en Algérie. Ils cherchent un «associé» algérien avec qui ils tentent de créer une société. Cependant, et en l’absence de textes clairs, le notaire autorise la création d’une société de partenariat dans le secteur productif et non pas dans le secteur de prestation, un exercice soumis à une autre réglementation. Ce que dit la loi Pour pouvoir exercer sur le territoire national, la loi exige l’inscription au niveau de l’Ordre national des architectes et l’obtention d’une carte professionnelle. Dans ses articles 8 et 9 du décret exécutif n° 06/454 du 11 décembre 2006, relatif à la carte professionnelle délivrée aux étrangers exerçant sur le territoire national, il est clairement mentionné que tout étranger désireux d’exercer une activité artisanale ne peut obtenir la carte professionnelle que s’il justifie de son inscription à la Chambre de l’artisanat et des métiers (CAM). Aussi, il ne peut obtenir la carte professionnelle que s’il justifie de son inscription au tableau de l’ordre ou de l’organisation régissant la profession. Autrement dit, tout architecte étranger désirant travailler sur le sol algérien doit obligatoirement avoir une carte professionnelle. Cette dernière est délivrée par le ministère de l’Intérieur. Sa délivrance est liée à l’inscription dans l’Ordre des architectes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire