Les Algériens ont subi la campagne électorale comme un phénomène plein de bruit et de vacuité, ayant la ferme conviction que ce n’est pas le Parlement qui décide. Le show a été lourd, bruyant. La démocratie, ce n’est pas tous les cinq ans, sinon c’est une mascarade. Même le président de la Haute instance indépendante de surveillance des élections (HIISE), Abdelwahab Derbal, ne peut le nier : quasiment la moitié des candidats aux législatives du 4 mai n’ont pas animé les activités qu’ils avaient programmées. Cela veut dire que, non seulement les Algériens paraissent assez distants avec ces élections, mais aussi les premiers concernés ! Il explique aux médias que les espaces alloués pour animer la campagne sont «sous-exploités par les partis et les listes indépendantes en lice». Et la très officielle agence étatique APS ne cesse de souligner la désaffection des Algériens et des médias face aux législative, elle note même que «l’espace consacré par la presse nationale à la campagne électorale s’est vu réduit, se limitant aux discours des chefs de partis politiques et à l’arrivée à Alger des observateurs de la Ligue arabe pour la surveillance des législatives du 4 mai». La curiosité et quelques blagues nourrissent les discussions de la rue algérienne quand il s’agit d’aborder cette drôle de campagne électorale. C’est en analysant ce désamour que Louisa Hanoune injecte un peu de rationalité dans le débat. La leader du Parti des travailleurs explique ainsi le désintérêt des Algériens par le «bilan négatif» du Parlement sortant. Cirque Une assemblée qui a «conduit à la paupérisation du peuple à travers plusieurs lois ne servant pas la politique sociale, à l’image de la loi de finances et celles relatives à l’investissement et à la santé». Lucide, mais quand même engagée dans cette course, Louisa Hanoune reconnaît que la campagne se déroule dans un climat de «grande déception politique» et pronostique même un «important» taux d’abstention, cauchemar absolu des autorités. Et ce ne sont pas les pratiques clownesques de certains candidats qui arrangent les choses, comme le fait d’animer un meeting dans un… cirque ou, comme à Djelfa, distribuer des caisses de pommes de terre aux potentiels électeurs par un candidat en mal d’inspiration ! Il faudrait rappeler aussi le phénomène de l’utilisation des tombes des martyrs de la Guerre de Libération à coups de poses face aux appareils photo ou encore les candidats qui investissent mariages et fêtes familiales pour servir leurs soupes sans aucuns égards aux invités et aux familles. On peut ne pas en rester là et parler de ces candidats FLN de Mascara pour… distribuer des petites bouteilles d’eau de Zemzem aux malades ! Action condamnée par le directeur de la santé de la wilaya, qui a déclaré à notre journaliste sur place que «la campagne électorale menée par les candidats du FLN dans les établissements hospitaliers est illégale», dénonçant «les gens qui ont facilité la tâche à ces candidats». Mises en demeure Et comment ne pas évoquer ici le scandale, car il faut l’appeler ainsi, des candidates masquées sur les affiches électorales. A rappeler que, dans un premier temps, le coordinateur de wilaya de la Haute instance indépendante de surveillance des élections (HIISE), Hassan Noui, a indiqué que des mises en demeure ont été adressées aux partis dont les listes n’affichent pas les photos des candidates dans la wilaya de Bordj Bou Arréridj pour leur accorder un délai de 48 heures pour se «rattraper». Le même représentant de la HISSE a révélé ensuite que la majorité des partis, dont les têtes de liste ont été destinataires des mises en demeure, en l’occurrence le Front des forces socialistes (FFS, qui a condamné cette pratique régressive), l’Alliance Ennahda-Justice et Bina, le Front national algérien (FNA), le Front algérien pour le développement, la liberté et la justice (FADLJ) et le Front du militantisme national (FMN), ont répondu positivement en affichant les photos de leurs candidates. Mais, coup de théâtre, ne voilà-t-il pas que le président de la même instance, Derbal, prend tout le monde à revers. «Les partis sont libres de montrer ou pas les visages de leurs candidates», avait-il déclaré, ajoutant que son instance «ne souhaite pas porter atteinte aux mœurs et traditions algériennes» ! Commentaire d’un observateur de la vie politique : «Que pouvez-vous attendre d’un islamiste, même à la tête d’une instance qui doit être au-dessus de la mêlée ?!» Effectivement, chassez le naturel… «Pourquoi sont-ils obligés de mettre tout le temps la sono à fond, s’ils sont si sûrs que les Algériens ne veulent pas les écouter ?» s’insurge un habitant d’Alger-centre, voisin du siège d’un parti. Un habitant de la banlieue ne comprend pas pourquoi on ne limite pas les espaces et les activités de la campagne selon une loi ! Mais la loi existe, c’est juste l’obsession de faire semblant qu’une vie politique existe dans ce pays (chaque élection, sorte de récréation pseudo-démocratique), les autorités laissent faire et participent par ce laxisme à cette ambiance de carnaval.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire