Pas très brillante, la situation des enfants aujourd’hui en Algérie n’est pas non plus dramatique. La vie n’est pas facile pour tous. Les droits fondamentaux sont des acquis, mais il y a encore du chemin à faire. Une concentration des efforts doit se faire sur l’aspect social. L’Algérie est appelée à déposer auprès du Comité international des droits de l’enfant son rapport détaillé sur la situation des enfants. 90 réserves ont été émises lors du dernier rapport, en 2012. Qu’est-ce qui a changé depuis ? L’Algérie sera évaluée en 2018. Il s’agit en effet d’un rapport établi tous les 5 ans. Ce cinquième rapport sera remis avant la fin de l’année. Nous étions, au dernier rapport, dans une mutation. Le point positif est que nous avons énormément avancé dans les droits fondamentaux, comme la scolarisation, même s’il y a débat sur la qualité. Même constat pour la santé gratuite pour tous, mais des inquiétudes sont aussi de mise dans la mesure où la nouvelle loi exigera de chaque enfant d’avoir une assurance sociale, ce qui ne peut être évident si le père est chômeur ou s’il active dans l’informel. Tout un débat sera entamé avec notamment la CNAS... Question loisirs, il n’existe malheureusement pas de loisirs avec leurs dimensions éducative et pédagogique qui aideraient au développement psychologique de l’enfant. Il faut, à mon avis, plus d’investissements dans ce secteur. Aujourd’hui les grands défis, ce sont les conflits qui touchent la famille. Car il est nécessaire de renforcer les mécanismes qui relèvent de la justice et de l’action sociale. D’ailleurs, dans le rapport en question, l’aspect judiciaire n’est pas du tout reprochable ; c’est plutôt sur le plan social que des failles existent. Par exemple, combien de femmes divorcées font appel aujourd’hui à la caisse de pension pour leurs enfants ? Elles ignorent carrément l’existence de cette caisse, au cas où le mari refuse de payer ou lorsqu’il est dans l’incapacité d’assurer cette charge. Puis c’est à l’Etat de le poursuivre en justice. Des lois existent, mais le souci réside dans leur application… La justice n’est pas le premier intervenant. La faille réside dans l’institution sociale. C’est la responsabilité de tout le monde. C’est tout un mécanisme qui n’est certainement pas assuré par un seul département ou une partie. C’est un cycle où tout intervenant doit assumer et assurer son rôle. Je vous donne l’exemple de la mendicité et tous les efforts pour mettre l’enfant victime de ce phénomène hors de danger. La chaîne commence par le ministère de la Solidarité qui doit suivre une stratégie basée sur des indicateurs. Car pour réussir et être pratique et efficace, il faut agir avant que la mendicité arrive. Autrement dit, un enfant scolarisé, qui bénéficie d’une aide de 3000 DA exclusivement réservée aux familles démunies, doit, à mon avis, être suivi avant que sa situation le pousse à la mendicité. Et là, c’est le travail de l’éducation nationale. C’est pour cela que j’évoque la contribution de toutes les parties. Car une fois qu’un enfant est dans la mendicité, c’est trop tard. Vous qui êtes en contact permanent avec des enfants, pensez-vous que le rapport établi par le ministère des Affaires étrangères répond à des indicateurs crédibles ? Nous allons présenter, en tant qu’association et intervenant, un rapport alternatif. Nous allons nous exprimer et expliquer aussi notre vision. Mais il n’y a pas de contradiction entre les deux rapports qui seront soumis au Comité international des droits de l’enfant. Ces rapports sont complémentaires, nous allons faire un état des lieux crédible. Et cette fois-ci nous serons en position de force concernant l’aspect judiciaire. Depuis 2012 à ce jour, particulièrement, les enlèvements et assassinats d’enfants viennent entacher toute une procédure. C’est notre point noir… C’est un phénomène qu’on ne maîtrisait pas. Mais depuis 2014, il faut dire que le nombre d’enlèvements a diminué. Une approche sécuritaire s’est, en effet, sérieusement organisée. Un dispositif de signalement a été mis en place par les services de sécurité. Mais, détail à ne pas perdre de vue, les causes d’enlèvement sont toujours là : la délinquance et la violence. Des failles à combler en allant vers la famille et la cité. C’est un travail de la société civile et de l’institution sociale. L’éducation, la formation professionnelle, l’insertion… sont des mécanismes qui doivent exister. Aujourd’hui, nous avons tous les moyens et les compétences pour trouver et appliquer des solutions réelles. Vous imaginez combien de nouvelles cités on est en train de se construire ? Mais, comme accompagnement des enfants et adolescents, qu’avons avons-nous comme équipements pour répondre à leur besoins ? Des espaces de communication, de loisirs et de mobilité doivent absolument être trouvés. Depuis 2012, pensez-vous que toutes les réserves émises par le Comité international ont pu être levées ? C’est particulièrement et exclusivement la loi qui a été mise en œuvre. C’est d’ailleurs une avancée pour l’Algérie et pour nos enfants. Car, au dernier rapport, il nous était demandé d’avoir un texte de loi pour la protection de l’enfance, ce qui a été enfin fait en 2015 avec le code de protection des enfants. Des articles multiples traitent de la protection judiciaire et sociale des enfants en situation de conflit avec la loi. Sur ce point, nous sommes en position de force. Mais, maintenant, il faut avancer sur l’application de cette loi. Mais vous vous inquiétez tout de même de nouvelles réserves... l y aura certainement des réserves sur l’aspect social, c’est-à-dire sur tout ce qui est lié au code de la famille. Je vous donne l’exemple des enfants nés hors mariage : le problème est encore posé quant à leur filiation. Comment peut-on prendre aujourd’hui le nom de son père, si l’enfant le souhaite ? Un débat s’impose. Les enfants en situation de handicap ou aux besoins spécifiques se battent pour une place à l’école, alors qu’il s’agit d’un droit.. La loi de 2012 sur les personnes handicapées doit être révisée de manière à mettre l’enfant au cœur de cette loi. Aujourd’hui, il faut encore travailler en amont par rapport à la prévention et adapter la ressource humaine et les structures pour les enfants en situation de handicap. J’estime qu’il est inadmissible de ne pas trouver des accès faciles aux enfants, de ne pas avoir d’auxiliaires de vie à l’école ou dans les crèches... Il faut dire aussi que la société civile ne joue pas un grand rôle… Statistiquement, il existe 100 000 associations toutes catégorises confondues. Plus de 1000 activent officiellement pour les droits et la protection des enfants et de la jeunesse. Mais, la question qu’aujourd’hui nous devons se poser, c’est combien d’associations crédibles ont une conscience de travail. C’est vrai qu’il y a un problème de moyens, mais aussi le problème de vision est sérieusement posé.
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