L’éducation ou l’accès à l’école. L’article 25 de la Convention internationale des droits de l’enfant adoptée par les Nations unies, dont l’Algérie est signataire, est clair : «Les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant à l’éducation, en particulier en vue d’assurer l’exercice de ce droit progressivement et sur la base de l’égalité des chances : ils rendent l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous.» En Algérie, l’éducation est gratuite et même obligatoire pour l’enseignement primaire et moyen. Sur le plan juridique, tout est beau. Peut-on parler aujourd’hui d’égalité des chances pour tous les scolarisés ? Sommes-nous devant une école à plusieurs vitesses ? Débat «On ne doit pas se leurrer aujourd’hui, l’école publique ne répond plus aux attentes et aux espérances des parents», répond Meziane Mériane du Snapest. Le climat pédagogique, dit-il encore, s’est sérieusement dégradé et la discipline a disparu. Pour mieux comprendre, Idir Achour du CLA schématise la cartographie de l’école ; il ne parle pas d’une double école, mais d’une école de quatre secteurs. Détails : il y a l’école publique dont la mission aujourd’hui est de gérer le flux de 80% des enfants algériens. Une école qui baigne dans des conditions impitoyables, dit-il encore. Cette école, que certains parents choisissent sans conviction, produit toujours, selon Idir Achour, des chômeurs dès la 4e année moyenne, la 3e année secondaire ou même de niveau universitaire. Car, précise-t-il encore, c’est une école qui produit des diplômés capables uniquement d’assumer des emplois précaires. Vient ensuite l’école publique de sélection. C’est l’école des cadets militaires, ouverte aux élèves excellents qui viennent de décrocher leur examen de 5e. Plus de sérieux, de discipline, mais surtout plus de moyens. Cette école produit, selon Idir Achour, les cadres de l’Etat. La troisième école, avec encore plus de moyens, est privée. Et dans cette école privée il y a aussi des sous-écoles. Autrement dit, il y a celles qui travaillent dans le cadre de la loi et répondent au cahier des charges et d’autres qui ne sont pas très nettes. C’est cette école que les parents cherchent, mais pas à n’importe quel prix. Car, affirme encore Meziane Meriane, elles offrent de meilleures conditions de travail, moins de surcharge des classes et un encadrement trié. Confort En un mot, plus de confort. Car dans les classes publiques, les parents évoquent l’encadrement qui fait défaut. Nous assistons, par exemple, à des séances de sport dans les écoles primaires assurées par des enseignants non qualifiés en la matière. Un détail qu’on ne retrouve surtout pas dans les écoles privées. Judo, dnatation, danse classique… tout y est dans les établissements privés à pas moins de 2000 DA par mois. Les parents cherchent aussi à mieux préparer leur enfants en matière de langues. Et le niveau est amplement assuré dans les écoles privées où le français et même l’anglais sont enseignés dès la première années primaire. Autrement dit, lorsque l’élève est en troisième année primaire, il a atteint un niveau bien avancé en conjugaison, en vocabulaire et même en grammaire française et une très bonne initiation en anglais, alors que son camarade de classe publique vient à peine d’entamer son alphabet. Mieux encore, ce dernier n’est pas forcément meilleur en arabe ou en matières du programme national exclusivement offert par l’école publique, telle l’éducation civique ou islamique. Mais cela a un prix. «L’école privée est destinée à la petite bourgeoisie», explique Idir Achour. «Malheureusement, ces écoles privées sont accessibles uniquement aux familles aisées d’où la nécessité de se battre pour une école publique de qualité», ajoute Meziane Meriane. Mais ce n’est toujours pas gagné pour le privé. Même si des matières optionnelles sont proposées, le confort assuré, la qualité est rarement garantie lorsqu’on sait que certains éléments d’encadrement ne sont pas suffisamment rémunérés, des rouages sont aussi à dévoiler et de l’arnaque même, témoignent certaines parents. C’est là que Idir Achour évoque la deuxième catégorie des écoles privées qui fonctionnent en hors-la-loi. Elles investissent, à des fins purement financières, dans la récupération des exclus de l’école publique. Une fois intégrés dans le privé, ils peuvent ensuite retourner à l’école publique si les parents ne se permettent pas de garantir la suite de l’enseignement. La dernière catégorie d’école est l’école parallèle, expliquent Idir Achour et Bachir Hakem du CLA. Il s’agit des écoles qui sont la cause principale de l’absentéisme des élèves dans le secteur public. Ce sont des concurrentes directes des écoles de l’Etat, même si elles offrent seulement des cours particuliers et d’appui aux élèves, notamment ceux des classes d’examen. Concurrence La double vitesse, pour Bachir Hakem, est aussi constatée dans les écoles qui prodiguent des cours particuliers : «Les écoles fonctionnent a deux vitesses : celle des cours particuliers et celle des cours officiels, et c’est celle au cours particuliers qui est plus «rédible.» Pour Kamel Nouari, directeur de collège, c’est une contradiction qui relève de cette double vitesse : c’est parce qu’il y a l’école gratuite que les parents ne suivent pas leurs enfants et ne demandent pas de comptes aux écoles. «Quand on paye, on demande des comptes», dit-il. Et c’est pour cette raison que Kamel Nouari appelle à «une réflexion sur le maintien de la gratuité de l’école au niveau secondaire». Il veut que la loi de l’orientation sur l’éducation soit révisée de manière à intégrer ce détail de payement. D’ailleurs, lui-même relève cette double vitesse et veut aussi que les établissements privés aient une liberté de choix dans les méthodes et les programmes d’enseignement. Car jusque-là, faut-il le rappeler, les écoles privées sont sommées d’enseigner le programme national et le programme étranger de manière optionnelle. «C’est malheureux lorsqu’on sait, précise Meziane Meriane, que le secteur reçoit le deuxième budget après l’armée mais 86%de ce budget est absorbé par les salaires.» Faut-il s’inquiéter ? «Oui», explique Idir Achour ; selon lui, ce constat résume que l’Etat est en train de «préparer les conditions» pour aboutir à la privatisation des établissements scolaires.
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