L’article 32 de la Constitution stipule que «tous les Algériens sont égaux devant la loi. sans que puisse prévaloir aucune discrimination (...) ou toute autre condition ou circonstance personnelle ou sociale». La loi sur les retraites du 2 juillet 1983 prévoit un régime unique de retraite. Or, il existe un régime spécifique pour les cadres supérieurs de la nation. Quid de la constitutionnalité de ce régime ? A titre personnel et en tant que citoyenne d’abord, ce régime et ces avantages vous heurtent-ils ? En tant que citoyenne, certainement, suis-je heurtée, mais en tant que juriste, non ! Contrairement au droit naturel, le droit positif ne s’embarrasse pas de morale. Il prescrit et cela suffit pour qu’il soit valide. Il faut préciser que depuis l’indépendance, les élites politiques n’ont jamais émargé au statut général de la Fonction publique. A titre d’exemple, on peut citer l’article 15 de l’ordonnance n°06-03 du 15 juillet 2006 portant statut général de la Fonction publique (SGFP) qui crée des fonctions supérieures de l’Etat, lesquelles ont toujours bénéficié d’un statut particulier édicté par voie réglementaire. Néanmoins, si elles bénéficient d’avantages indéniables, en revanche, elles n’ont pas les garanties juridiques accordées par le SGFP aux fonctionnaires. Ce sont des emplois Ad nutum, c’est-à-dire extrêmement précaires puisqu’ils relèvent du pouvoir discrétionnaire de l’autorité qui nomme. Ce qui révèle l’instabilité de leur position et la fragilité de leur statut. Le 13 janvier 2001, après sa saisine par le président Bouteflika, le Conseil constitutionnel présidé rend avis d’inconstitutionnalité des dispositions nouvelles introduites dans la loi portant statut de député (augmentation du taux de certaines indemnités perçues, mode nouveau de calcul de la pension proportionnelle sans condition d’âge, durée du congé spécial portée à deux ans) et la tentative des députés et sénateurs de se faire une place davantage sous le soleil déraille. Le Conseil constitutionnel annule non seulement les nouvelles dispositions, mais va au-delà en déplumant les parlementaires de prérogatives et en les privant carrément de leur statut. La loi 89 portant statut de député devient loi sur le député. Entre autres arguments le Conseil constitutionnel usera de celui-ci: «Considérant que le principe d’égalité des citoyens devant la loi tel que prévu par l’article 29 de la constitution oblige le législateur à soumettre les personnes se trouvant dans des situations différentes à des règles différentes et celles se trouvant dans des situations semblables à des règles semblables.» Que pensez-vous de cet énoncé ? Dans l’Ethique à Nicomaque, Aristote disait : «Les choses qui sont semblables doivent être traitées semblablement alors qu’il faut traiter des choses dissemblables en proportion de leur dissemblance.» C’est pourquoi le Conseil constitutionnel français, s’inspirant de la philosophie aristotélicienne, considère que le principe d’égalité «n’interdit pas que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit». A partir de là, le principe d’égalité, s’il implique qu’à situations semblables il soit fait application de règles semblables, n’interdit aucunement qu’à des situations différentes soient appliquées des règles différentes. Ce qui veut dire qu’il ne fait pas obstacle à ce qu’une loi établisse des règles non identiques à l’égard de catégories de personnes se trouvant dans des situations différentes, mais à condition que ce soit justifié par la différence de situation. Donc c’est cette jurisprudence constante du Conseil constitutionnel français qui a été reprise par le Conseil constitutionnel algérien dans cet avis du 13 janvier 2001. Dès lors, l’égalité ne peut être comprise comme l’uniformité pure et simple de toutes les situations. Elle peut donc être à multiples facettes... L’essentiel est qu’il ne doit pas y avoir deux poids, deux mesures mais une même façon de traiter les objets semblables. Autrement dit, chacun doit recevoir à proportion de son talent ou de son mérite. Et c’est par le biais de la qualification juridique que les mêmes situations juridiques vont se voir appliquer le même régime juridique. Il s’ensuit que concernant les cadres supérieurs, c’est la loi qui prévoit un régime juridique différent. Pourquoi déclarer, alors, les fonctions supérieures inconstitutionnelles si le principe d’égalité peut se révéler un droit fondamental éminemment relatif ?
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