dimanche 26 février 2017

Naqd est bannie des bibliothèques universitaires depuis 25 ans

La revue Naqd a fêté, hier, de fort belle manière, son 25e anniversaire, à l’hôtel Sofitel. L’ambiance, il faut le dire, était des plus conviviales, marquée par de chaleureuses retrouvailles entre les amis de la revue et ses nombreux soutiens. En prime, l’infatigable Daho Djerbal et son équipe ont tenu à célébrer cette date dans la pure tradition de la revue, c’est-à-dire en produisant de la pensée critique, encore et toujours. Ainsi, une table ronde au menu extrêmement relevé a été organisée sous le thème : «Pensée critique dans un monde en plein bouleversement». Une dizaine de communications de haut vol ont été programmées à l’occasion. Parmi  celles-ci, retenons les interventions de Mohamed Harbi, Etienne Balibar, Fadéla Boumendjel-Chitour, Fatma Oussedik, Madjid Bencheikh, Hocine Zahouane ou encore Abdelhafid Hamdi-Cherif. Et chacun d’entre eux a eu une pensée émue pour le défunt Saïd Chikhi, brillant sociologue et fondateur de la revue qui nous a quittés en 1993. Un portrait de lui trônait aux côtés d’un panneau sur lequel étaient déclinés les couvertures de l’ensemble des numéros de la revue. Une sacrée moisson ! Et c’est pour le moins paradoxal comme situation pour une revue qui fait référence auprès des universités les plus prestigieuses à l’échelle internationale, et qui demeure bannie à ce jour de nos bibliothèques publiques et nos niches académiques. Pourtant, c’est l’un des très rares espaces éditoriaux dédié à la critique sociale, et qui s’est voué depuis ses débuts à injecter de la pensée en plein chaos, quand tout partait en vrille, tout en défrichant les territoires d’une espérance raisonnée. Naqd, c’est ce phare solitaire qui émergeait du chaos pour nous maintenir intelligemment en vie dans l’enfer des années 1990. Dans son mot d’introduction, Daho Djerbal n’a pas manqué de souligner ce paradoxe. «La revue Naqd fête ses 25 ans d’existence envers et contre tout, malgré tout, à contre-courant…», a-t-il déclaré avant de lancer : «Elle n’est peut-être pas bannie de l’espace public, mais elle est bannie des bibliothèques universitaires algériennes depuis 25 ans, alors que plus de 150 universités, centres de recherche et bibliothèques universitaires dans le monde sont abonnés à la revue.» Et de poursuivre : «Quelque part, il y a un non-dit et un non-lieu pour la revue qui, pourtant, continue de publier, d’éditer, de diffuser, depuis sa fondation par notre ami, camarade défunt, Saïd Chikhi, sociologue, spécialiste des mouvements sociaux. Nous lui rendons hommage aujourd’hui pour son apport à cette publication que nous voulions au début comme porteuse d’un questionnement : qu’est-ce qui se passe sous nos yeux qu’on n’a pas pu voir venir, qu’on n’a pas pu décrypter ?» L’éminent historien admet que la grille de lecture des années 1960-1970 qui dominait les sciences sociales, et qui était inspirée du matérialisme historique, du matérialisme dialectique, n’opérait plus. «D’où le retour au réel, aux faits, et à partir des faits, essayer de construire une problématique, de fabriquer des instruments d’analyse qui soient en adéquation avec la réalité. C’est ce que nous avons essayé de faire en prenant à bras le corps cette tentative d’accompagner la société dans ses luttes et ses combats mais aussi dans ses drames.» Nous développerons tout cela dans nos prochaines éditions avec, à la clé, une synthèse des grandes thématiques qui ont été disséquées au cours de cette table ronde, avec passion et lucidité.

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