lundi 20 février 2017

«Pour survivre, El Massa doit chercher d’autres financements»

La presse publique est-elle dans le désarroi ? En tout cas, si l’on se réfère à l’initiative, une première du genre, que vient de prendre le directeur du quotidien arabophone El Massa, l’on serait en effet en droit de s’interroger. Le premier responsable du journal El Massa, Larbi Ouanoughi, a proposé aux partis politiques qui participent aux élections législatives du 4 mai, toutes obédiences confondues, «une couverture payante» de leur campagne électorale. C’est ainsi que dans une correspondance datée du 12 février adressée aux partis politiques, le journal a soumis la proposition d’un partenariat dans le cadre de la campagne électorale. Il s’agit plus concrètement de mobiliser un journaliste pour couvrir les meetings choisis par ces formations politiques et de la publication des reportages et toutes les activités que ces entités jugent utiles et importantes dans le cadre de leurs campagnes, en échange de la publicité à placer dans le journal. Aussi ahurissant que cela puisse paraître, en clair El Massa propose carrément de conclure un accord en fixant un budget forfaitaire qui couvre toute la campagne. Contacté, le directeur de publication d’El Massa confirme l’envoi de la lettre aux partis politiques sans aucune exception. Une vingtaine au total. «Le RCD est un parti que je respecte énormément. Je respecte également son président, Mohcine Belabbas. Mais cette lettre a été envoyée à tous les partis politiques qui prennent part au rendez-vous électoral du 4 mai, dont le FLN, le RND et le MSP. Nous ne comprenons pas pourquoi le RCD a médiatisé une telle action», tient à préciser M. Ouanoughi. Selon lui, des partis avaient demandé à El Massa d’assurer la couverture de tous leurs événements, notamment leurs meetings et leurs  déclarations. «Certains partis voulaient insérer des placards publicitaires de manière gratuite parce que nous sommes un organe public. El massa est certes un journal public, mais aussi et avant tout une entreprise économique et commerciale, autonome et indépendante dans toute sa stratégie et sa ligne éditoriale», tranche M. Ouanoughi. Il ne cache pas que son entreprise passe par une crise inédite et pour survivre il doit contourner le problème en cherchant d’autres financements. Il dit avoir sollicité non seulement les partis politiques pour la publicité, mais aussi les entreprises privées et publiques.  El massa n’a jamais reçu de budget de l’état Le responsable d’El Massa s’est plaint de n’avoir jamais reçu de budget, ni aide de l’Etat comme c’est le cas pour l’agence de presse officielle APS ou la Télévision nationale. «On vit de nos ressources publicitaires et de nos ventes. Nous sommes une entreprise économique et nous vivons la même galère que la presse privée», avoue-t-il. El Massa continuera, rassure son directeur général, à assumer sa mission de service public. «Toute la presse nationale doit assurer un minimum. C’est notre conviction. Sauf qu’il y a 73 partis. Comment couvrir plus de 5000 meetings alors que nous avons une trentaine de journalistes ?» s’est-t-il demandé. Il  affirme que son journal a proposé aux partis politiques de désigner un journaliste pour les accompagner durant toute la campagne électorale en vertu d’un contrat d’accompagnement. «Nous diffusons l’information publique, mais pas la propagande. Les communiqués, déclarations, les reportages au niveau des permanences seront considérés comme de la publicité et doivent être rémunérés.» Le directeur général d’El Massa estime que son initiative n’est pas une nouveauté puisque cela se fait aux Etats- Unis et en Grande-Bretagne et elle n’est pas contraire à la loi. Des propos que ne partage pas Belkacem Mostefaoui, professeur et directeur de recherche de l’Ecole nationale supérieure de journalisme et des sciences de l’information, qui qualifie cette opération unique dans les annales de la presse de vrai scandale sur le plan politique et une gifle pour le ministre de la Communication, M. Grine, qui ne cesse de donner des leçons de professionnalisme, de déontologie et d’éthique aux journaux et aux journalistes. «Parmi les 130 journaux que compte le paysage médiatique et en dépit de l’étouffement que connaît la presse privée, il faut que ce soit un journal gouvernemental de droit public qui opère une telle action, qui va à contre-courant des principes les plus élémentaires des règles de déontologie», note M. Mostefaoui.  

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