dimanche 3 juin 2018

«L’alliance avec les zaouïas est une tactique pour le maintien au pouvoir»

Ancien conseiller au ministère des Affaires religieuses, Adda Fellahi, estime que «l’autorité politique est en droit, en vertu de la Constitution qui stipule que l’islam est la religion de l’Etat, de faire des alliances avec les zaouïas, dans l’intérêt général de la société et non pas pour se maintenir au pouvoir». Pour lui, une telle «compromission discréditera les zaouïas alors qu’elles sont devant une étape cruciale pour leur avenir. Elles doivent s’éloigner de la politique et rester neutre vis à vis de tous, pour qu’elles puissent préserver ce rôle de propagation de la culture du vivre-ensemble pour faire face à l’idéologie obscurantiste de Daech». Fellahi revient sur l’histoire des zaouïas et tente d’expliquer leur retour après une longue hibernation. «Pendant la colonisation, les zaouïas jouaient un rôle important, soit négativement en légitimant la présence française, ou positivement en se consacrant à la préservation de l’identité arabo-musulmane à travers l’enseignement du Coran et de la langue arabe et la résistance populaire à la colonisation. Après l’indépendance, elles ont été totalement marginalisées, notamment par Boumediène, qui avait même demandé à son ministre des Affaires religieuses, Mouloud Kacem Naït Belkacem, ''trouve-moi comment enlever ce ver de Alaouite''. Il a par la suite gelé toutes les activités des zaouïas alaouiya. Boumediène avait une pensée islamique ouverte, et il a même organisé une grande conférence qui a regroupé les penseurs de tous les rites musulmans et d’autres religions. Avec l’arrivée de Chadli Bendjedid, l’islam politique a pris le dessus et les zaouïas ont été marginalisées encore une fois, puis totalement exclues durant les années 1990, où le courant djihadiste était maître du terrain. Bouteflika a redonné aux zaouïas leur rôle pour l’aider à imposer la paix grâce à la charte pour la réconciliation nationale. Elles l’ont soutenu, malheureusement après sa maladie, il y a eu un recul dans l’appui dont bénéficiaient ces confréries. Les salafistes-wahhabites ont profité de ce recul pour reprendre du terrain et commençait à menacer le référent identitaire et la sécurité de l’Etat. Il est devenu un danger réel pour l’Etat. Ce qui a poussé les autorités à solliciter les zaouïas pour qu’elles les aident à contrecarrer l’idéologie qui prône la violence et la haine»,affirme Fellahi, précisant que cette alliance pouvoir-zaouïa était plutôt tactique pour assurer le maintien au pouvoir et non pas stratégique, à long terme pour préserver l’Etat du danger de l’extrémisme. Mais comment des zaouïas d’une importance de la Tidjania, d’Al Kadiria ou de Belekbir, peuvent-elles se compromettre en assurant un soutien illimité pour le maintien au pouvoir ? Pour Fellahi, la réponse est claire. Ces zaouïas «n’ont jamais été contre l’autorité politique, mais les tentations du pouvoir ont poussé les opportunistes, tout comme chez les petits partis, à créer des zaouïas non pas pour enseigner Le Coran, mais être au service de l’autorité, y compris si cela passe par les sales besognes, en violation des principes mêmes des confréries, de la religion et de la Constitution. Ce qui a donné une très mauvaise image des zaouïas». L’ancien conseiller du ministère des Affaires religieuses regrette qu’aujourd’hui, «les hommes de la religion soient devenus, aussi bien en Algérie qu’ailleurs, des instruments entre les mains des dirigeants. Ils ont plus peur de l’autorité que de Dieu, et se sentent très diminués psychologiquement. Cela ne fait que renforcer la position de l’autorité. Elle les utilise dans sa propagande politique. Le risque c’est de voir le citoyen perdre la confiance qu’il a en les zaouïas, qu’il considère comme un refuge contre l’injustice et l’iniquité». 

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