Cadre administratif, Abdelkader Bouqlila n’en est pas moins un agriculteur convaincu qui obéit à cette logique d’autosuffisance agricole qui submerge la région d’In Salah et ses environs. Il nous en parle. - Il fait sombre. Vous travaillez autant tous les jours ? Oui, après les heures de travail et le week-end, je me donne à fond dans ma djenna. C’est ma raison de vivre. J’en avais assez de dépenser la majeure partie de mon salaire au souk, alors j’ai repris le jardin de mon père. Mais vu le manque d’eau dans l’ancienne palmeraie, seuls les palmiers subsistent pour le moment. Les foggaras ont été restaurées avec l’aide de l’Etat, mais le projet s’est arrêté au mauvais moment, la palmeraie d’In Ghar se meurt parce que les seguias n’ont pas encore été réhabilitées. Alors, j’ai dû partir ailleurs pour lancer mes jardins potagers. La subdivision d’agriculture m’a octroyé 2,5 ha dans le cadre du renouveau agricole, c’est aussi le mien, car j’ai 58 ans et je savais depuis toujours que malgré une carrière dans l’administration, je reviendrai à la terre. - Parlez-nous de vos objectifs, nourrir votre famille, vendre votre production ? Fellah de père en fils, j’ai beau être fonctionnaire, l’appel de la terre est plus fort. Au départ, j’ai planté 200 palmiers et construit un grand bassin d’eau avec les 85 millions de centimes du soutien agricole. Cela m’a permis de commencer des cultures intercalaires à l’ancienne. J’avais mes carottes, mes navets, mes betteraves, mes oignons, mes épinards et mes tomates. Je faisais aussi des condiments et des herbes aromatiques. J’ai même essayé le blé qui a très bien marché. Avec le temps, j’ai pris goût à ce travail et je me suis lancé dans la plasticulture que l’Etat m’a gracieusement donnée. Voyez ce que ça m’a permis de faire. Salade, courgettes, aubergines, tomates et encore je ne maîtrise pas l’itinéraire technique mais même en tant que débutant, cette terre a été généreuse avec moi. Résultat, je m’autosuffis depuis deux ans et cette année je pourrais aller au marché vendre ma production. - La terre de Taghbara que l’on dit très féconde vous va bien alors ? Comment appréhendez-vous l’avenir ? La région est agricole par excellence et depuis toujours, mais notre génération s’en est détournée vu la faiblesse des moyens et l’espoir de changer sa condition grâce à un salaire fixe. Pour ma part, j’ai tiré la leçon et je vois que beaucoup commencent à le faire. Je pense que les autres suivront, car la réussite de ces jardins potagers est au rendez-vous. Mon exemple n’est pas unique, il y a même une complémentarité. Pour la tomate par exemple, nous ramenons une partie des plants de l’institut d’Adrar, elle réussit pas mal. Mais depuis deux ans, Hibbi, un autre agriculteur très féru de techniques, développe pour nous une variété locale d’In Ghar, appelée «zahra». Il nous la cède pour la modique somme de 5 DA le plant. Il nous aide beaucoup et grâce à lui, j’ai pu planter 350 arbustes de tomate pour la saison.
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