Quand le wali de Béjaïa, en application de l’instruction du ministre du Tourisme, annonçait d’un ton ferme la gratuité des plages à l’ouverture de la saison estivale, début juin, on s’est demandé jusqu’où les autorités pouvaient aller pour que cette mesure ne soit pas une simple annonce et permette réellement d’assurer des vacances pour tous. Mais dans une wilaya où la pratique du racket et autres infractions est solidement implantée, où les promesses non tenues et les rendez-vous ratés avec le développement s’accumulent, il est impensable de prendre au sérieux une annonce aussi pompeuse. Tandis que le wali débitait sa promesse : «Le racket, c’est fini !» sur la plage-pilote de Tala Khaled, à Aokas, parkingueurs, restaurateurs et autres «prestataires» autoproclamés se frottaient déjà les mains et s’apprêtaient à offrir le plus beau des accueils aux estivants. Dès le début de la saison estivale, les baraques illicites ont poussé comme des champignons sur les plages. Si certaines sont autorisées par les APC, il n’est pas exagéré de dire que la plupart ne sont là que par l’effet combiné de la pression exercée par leurs détenteurs et les largesses des autorités. Des parcelles du domaine public ont été délimitées pour servir de parkings où on «plume» les automobilistes. 100, 150, voire 200 DA la place dans ces espaces de stationnement improvisés, alors que le prix réglementaire ne devrait pas dépasser les 30 DA. Piège à sous C’est cette ambiance peu recommandable pour un estivant en quête de détente qui règne à Maghra, une plage massivement fréquentée du littoral est de Béjaïa, où l’insalubrité laisse coi. Cette plage relevant de la commune de Boukhlifa concentre en elle tous les ingrédients pour une baignade ratée, à jeter rapidement aux oubliettes. A l’entrée déjà, la couleur est annoncée : «100 DA», exige le «parkingeur», souvent en oubliant que les bonnes manières existent et sans remettre de ticket. De peur de s’attirer des ennuis et qu’on s’en prenne à leurs véhicules, les automobilistes ne réfléchissent pas, se pliant à ce diktat. Passé ce piège à sous, c’est au tour des loueurs de parasols de réclamer leur part du gâteau estival. Pour un parasol simple, on avance comme premier prix 200 DA. Si le client s’en détourne, on descend jusqu’à 150 DA et c’est généralement à ce prix-là qu’on conclut, sauf si le vis-à-vis se montre insistant pour l’avoir à 100 DA. Ce qui est déjà le double des 50 DA réglementaires. Et dire que pour cette activité, 8000 DA seulement sont exigés pour obtenir une autorisation valable toute la saison estivale. Les tentes et semi-tentes — alors qu’elles sont formellement interdites — sont proposées à 500 DA le jour et 1500 la nuit. Or, les horaires d’activité autorisés sont de 9 à 19h. Les touristes se sentent abusés, eux qui ont dû faire face à un mois de Ramadhan et à un Aïd El Fitr dispendieux, sans oublier que la rentrée attend au tournant, le tout sur fond d’austérité et d’affaiblissement du pouvoir d’achat. «C’est trop, à chaque fois que je viens on me demande de payer le prix fort. C’est du vol pur et simple», fulmine un Sétifien, habitué de cette plage. Et un autre de poursuivre : «Nous sommes livrés à tous les dépassements et on ne peut même pas se plaindre. Les gens s’approprient des espaces impunément et nous on doit se saigner pour une baignade. Où sont les services de sécurité ?» Non loin de là, à Tichy, deux grands parkings sont gérés illicitement et les commerces de plage non autorisés ainsi que les tentes foisonnent. Lors d’une sortie sur le terrain, le 3 août, en compagnie des éléments des services de sécurité, l’APC a relevé la présence de 46 commerces non autorisés sur seulement deux plages, indique M. Kassa, vice-président de l’APC de Tichy. «Cette opération est vécue comme une libération par nombre d’estivants qui nous ont remerciés», confie pour sa part le président de l’APC, M. Kadi. Et d’ajouter : «Nous faisons face à un tourisme de masse, c’est pour cela qu’il faut nous doter d’infrastructures afin de pouvoir gérer touristes et commerces. Cela nous permettra de contrôler les activités suivant un cahier des charges et le client aura ainsi la possibilité de se plaindre en cas de dépassement.» Pour les deux parkings, des demandes de mise à prix ont été introduites auprès des domaines, mais elles ont été refusées, indique Bachiri Nacer, également vice-président de l’APC de Tichy. Une décision regrettable, selon l’élu, puisque les deux parkings sont exploités tout de même de façon illicite, alors qu’ils auraient pu être valorisés par l’APC et contribuer à son budget. Selon M. Kassa, «on pourrait faire l’économie de 80% de ces problèmes, si l’Etat prenait en charge l’aménagement des plages. Malheureusement, tous les projets sont bloqués à cause de l’austérité». Il est à signaler que la wilaya de Béjaïa connaît une baisse sensible d’affluence de touristes cette année. Si l’austérité est souvent mise en cause, les prix pratiqués, de plus en plus hors de portée des citoyens, sont également évoqués.
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