Il est de notoriété publique qu’Oran a cette fâcheuse manie d’un peu trop tourner le dos à la mer. C’est d’ailleurs l’écrivain français Albert Camus, le premier, qui fit cet amer constat. En effet, contrairement aux plages de Annaba, proches du centre-ville, à Oran, pour faire trempette et barboter dans l’eau, il faut parcourir pas moins une vingtaine de kilomètres, pour atteindre la corniche, plus précisément la célèbre station balnéaire dite Aïn El Turk. Comment faire pour s’y rendre ? Il y a certes ceux qui utilisent leur voiture, mais pour ceux qui n’en possèdent pas, ils ont deux possibilités : le taxi collectif (ces célèbres taxis jaunes stationnés tout au bout du Front de mer, en face du siège de Sonelgaz), où le prix de la course s’élève à 70 DA ; ou alors le tramway jusqu’à Dar El Hayet, puis «le bus de la plage», où le prix du ticket varie entre 50 et 100 DA selon que l’on va à Aïn El Turk ou aux Andalouses. A l’intérieur du bus, l’ambiance est bon enfant. Un peu trop même. Parfois, de l’avis de certains, on se croirait dans un «cabaret ambulant», tant le chauffeur met de la musique raï à pleins décibels, épaulé par des usagers amusés, dont certains n’hésitent pas à «pousser la chansonnette». Quand on arrive à Aïn El Turk, que les riverains appellent El Ayoun, on a l’embarras du choix : plage St-Rock, Trouville, Bouisseville, Clairefontaine, Paradis-Plage... Pour la parenthèse, l’artère principale du centre-ville de Aïn El Turk s’allonge sur plusieurs kilomètres et est dépourvue d’arbres, ce qui fait qu’il est très désagréable de s’y promener à cause du soleil qui tape fort. Les plages oranaises sont un formidable exemple d’amusement collectif et populaire, où en même temps, tous les paradoxes de la société sont mis en exergue. A mesure que l’on se dandine sur le sable brûlant, on voit de tout : des familles conservatrices avec le père dont la barbe est «grosse comme ça» mais qui, en même temps, se protège du soleil sous un parasol marqué Kronembourg, des femmes en «burkini» en train de nager, alors que, non loin, d’autres, cette fois-ci en bikini, sont en train de se dorer la pilule au soleil. On peut aussi tomber sur de vieilles grand-mères, émerveillées par le spectacle qu’offre la grande bleue, qui s’assoient au bord de l’eau près de leurs petits-enfants, tout en recevant, avec délectation, les vagues déferlantes qui viennent de l’horizon. Enfin, il y aussi des maîtres-nageurs sur le qui-vive, le sifflet à portée de bouche et les yeux constamment braqués sur les baigneurs. Ce décor serait bien sûr incomplet, si l’on n’y ajoutait pas ces fameux plagistes qui écument les côtes oranaises et qui, aux premières heures de la matinée, plantent, tout le long du littoral, leurs tables et leurs parasols. Ces derniers sont généralement des jeunes, parfois même des adolescents tout juste sortis du lycée. Dès qu’ils voient une famille arriver à la plage, ils accourent pour lui proposer la location d’une table. Le prix est éclectique : le plus souvent, il dépend du bon vouloir du plagiste. Ainsi, aux Andalouses, on peut tomber sur des plagistes qui proposent la location d’une table à 1200 DA, alors d’autres, à proximité, la louent à seulement 500 DA. A propos des Andalouses, depuis quelque temps, cette plage est scindée en deux : il y a la partie dite «populaire», la plus vaste, et une autre, privée, où la location d’une table s’élève à 800 DA par personne. «Les enfants de moins de 10 ans ne payent pas, mais on ne leur donne pas de chaise. C’est 800 DA par personne, mais si vous y allez seul, alors ça vous fera 3000 DA», nous fait-on savoir. Hormis donc cette partie des Andalouses, presque toutes les autres plages du littoral oranais sont gratuites… si ce n’est, hélas, le diktat qu’imposent les plagistes. Bien sûr, on ne cherche pas noise aux familles qui viennent munies de leurs propres équipements, simplement, celles-ci ont toutes les peines du monde pour se trouver une «toute petite» place pour planter leurs parasols. Effectivement, les plagistes prennent soin, dès potron-minet, d’accaparer l’espace, ce qui oblige les familles à s’installer «en arrière-plan», derrière les parasols des plagistes, loin du rivage. «Les pouvoirs publics laissent faire», se désole un estivant. «Ces plagistes ont certes le droit de gagner leur vie, mais ils n’ont pas le droit de s’imposer de la sorte. A croire que la plage leur appartient !» Ce n’est pas le seul problème prévaut le littoral durant la saison estivale. Un autre point noir, et pas des moindres, est bien sûr lié à la saleté : chaque année, à l’approche de l’été, les autorités annoncent qu’elles mènent des opérations de nettoyage des plages. Mais sur le terrain, force est de constater que ces opérations ne sont en rien efficaces : on a beau parcourir la côte oranaise, partout, on trouve des canettes vides et autres détritus jonchant le sol. A Bousfer, Aïn El Turk et les Andalouses, le spectacle est désolant. Du point de vue de l’esthétique, cette commune n’a rien d’une station balnéaire tant foisonnent les décharges sauvages, tant les routes sont «déglinguées» et tant le littoral est «grignoté» par des constructions inachevées. «On aime Bousfer pour sa plage et ses bars-restaurants, mais cette commune gagnerait à être réhabilitée. Il est fini le temps où les discothèques foisonnaient ici. Aujourd’hui, Bousfer ne fait pas rêver du tout. Le décor est repoussant !» regrette un habitué de la corniche. «Le seul point positif de Bousfer, nuance un autre, ce sont ces deux bars-restaurants spécialisés dans le poisson, avec des terrasses sur la mer à perte de vue, où l’on vient de toute l’Algérie pour y déjeuner ou y dîner.»
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