Actuellement, plusieurs personnes sont en prison et attendent depuis longtemps d’être jugées. Cet état de fait remet sur le tapis la problématique de la détention provisoire. A votre avis, pourquoi autant de lenteur alors que la loi a été revue afin d’accélérer le traitement de ces affaires ? La détention provisoire est un drame national. Incontestablement, des efforts sont fournis par les autorités pour remédier à cette situation. Preuve en est la décision prise dernièrement consistant à interdire la détention provisoire si la peine est inférieure à trois ans. Toutefois, sur le terrain, la situation demeure alarmante et catastrophique. Mais où réside donc le problème ? C’est la pratique juridique qui fait fi des principes les plus élémentaires en matière de détention provisoire. Mieux, elle fait fi de la présomption d’innocence. Le problème est, de mon point de vue, moins judiciaire que culturel. Que voulez-vous dire par un problème culturel plus que judiciaire ? En termes simples, il faut éduquer et former les magistrats pour leur apprendre à respecter l’importance de la présomption d’innocence et la signification de la détention provisoire. En Algérie, la détention provisoire est un drame national qui se perpétue. Les exemples dans ce sens ne manquent pas. Je vous cite un cas que je qualifierais de scandaleux et de terrible et qui ne fait nullement honneur au système judiciaire de notre pays. Le directeur général de la CNAN est détenu, à titre préventif, depuis quatre longues années. Trouvez-vous normal que cette personne, qui n’est poursuivie ni pour corruption ni pour détournement, attende son jugement depuis quatre ans ? Il attend d’être jugé pour une affaire de mauvaise gestion. Cela dépasse l’entendement. Cette situation est inadmissible. C’est une détention illégale, abusive, arbitraire et contraire à la loi. Et je connais beaucoup de personnes qui sont dans la même situation. Les pouvoirs publics sont interpellés. Normalement, la liberté individuelle est un principe constitutionnel. Le directeur général de la CNAN est poursuivi pour une affaire de dilapidation. D’ailleurs, je m’interroge sur la capacité des magistrats à juger une affaire relevant du domaine économique... Donc, la faute incombe aux magistrats... Depuis que j’exerce ce métier, je n’ai constaté aucun progrès en matière de respect des libertés individuelles. Nous n’avons pas une philosophie de la liberté provisoire dans notre pays. Je n’ai vu que des aggravations. Nous savons tous que la loi ne vaut que par son application. Les magistrats font partie d’un système judiciaire qui fonctionne de la sorte depuis l’indépendance du pays. Et je peux vous confirmer que le fonctionnement du système est une chose et les textes en sont une autre… Prenons encore le cas du général Benhadid qui a été libéré en raison de son état de santé qui s’est détérioré. Vous ne croyez tout de même pas que le magistrat a pris la décision seul de mettre ce général à la retraite en prison. Le général Benhadid n’aurait jamais dû être mis en prison à titre préventif car les faits qui lui sont reprochés ne méritent pas son inculpation. Le plus correct était de le laisser en liberté puis de le juger. Aujourd’hui, il y a confirmation de la peine de deux ans de prison pour le journaliste Tamalt. Qu’en pensez-vous ? C’est grave. Je trouve qu’il y a de l’exagération. Pourquoi, à votre avis ? Aucune idée. Je peux juste vous dire que la situation est très inquiétante. Il y a beaucoup de personnes qui attendent d’être jugées. Il y a un excès en matière de détention provisoire et les citoyens ne font plus confiance à la justice parce qu’ils ont pris conscience de l’existence de ses abus et ses excès. En tant qu’avocats et défenseurs des droits de l’homme, nous ne cesserons de dénoncer les abus de la détention et autres qui ternissent l’appareil judiciaire.
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