mardi 2 août 2016

«La CNAS ne doit plus être une simple caisse de remboursement»

Spécialiste des questions de Sécurité sociale, Djilali Hadjadj, président de l’Association de lutte contre la corruption, plaide dans l’entretien qu’il nous accordé pour l’installation d’équipes de combat au sein de la Cnas chargées du recouvrement des cotisations. Pour lui, la situation financière de la Caisse n’est pas aussi reluisante… Le directeur général de la Cnas a fait état d’une situation financière positive de la Caisse. Partagez-vous cet avis ? Pas du tout. Les bilans de l’activité recouvrement des cotisations font état d’une situation négative, sachant que les seules ressources de la Cnas, ce sont les cotisations. Les objectifs assignés par les campagnes de recouvrement n’ont pas été atteints. Le directeur général de la Cnas nous dit que tout va bien, mais la réalité est tout autre. La hausse des recettes dont il parle est loin de représenter ce que la Caisse a perdu en termes de pénalités liées au retard et au non-paiement des cotisations. En fait, ce sont les employeurs qui ont gagné et non pas la Caisse. Les responsables du recouvrement sont d’ailleurs déçus par cette mesure. Entre le discours d’autosatisfaction et l’amère réalité du terrain il y a un monde, même s’il est vrai que pour l’instant la Caisse n’est pas en difficulté. Comment la Cnas peut-elle ramener les 5 millions de salariés informels vers le formel et récupérer ainsi les cotisations ? En fait, il faut distinguer entre les employeurs qui ne déclarent pas leurs salariés ou le font partiellement et qui sont identifiés par la Cnas, et ceux que celle-ci ne connaît pas. Ces derniers ont été estimés à plus de 5 millions par l’Ons. Ce qui veut dire qu’il y a plus de salariés non déclarés que les autres. La Cnas doit avoir le courage de dire qu’elle n’a pas les prérogatives ni les moyens de lutter contre le travail au noir. Cela relève des pouvoirs publics. Ils doivent trouver les mécanismes à même d’identifier ces millions de travailleurs au noir et de les ramener vers le formel. Pourquoi la Cnas peine-t-elle à assurer un bon recouvrement des cotisations ? A mon avis, il faut qu’il y ait au niveau de la Cnas des équipes de combat pour agir aussi rapidement qu’efficacement contre le non-paiement des cotisations. Cela fait plus d’une dizaine d’années que l’activité du recouvrement s’est bureaucratisée. On assiste à une accumulation de créances devenue désastreuse, ayant atteint le seuil de 25% des cotisations. L’organisation de la Cnas s’est sclérosée. La situation est la même au niveau ministériel. Il y a aussi des facteurs extérieurs à la sécurité sociale, comme la législation et les lois en matière de recouvrement et de contentieux liés aux paiements des cotisations qui sont aussi obsolètes que périmées. Ce qui est paradoxal en situation de crise. Les pouvoirs publics devraient mettre en place des lois et des règlements qui correspondent au contexte actuel de crise… Y a-t-il réellement une menace sur l’équilibre financier de la Cnas ? L’équilibre financier de la Cnas est sérieusement menacé. Je vous cite un exemple concret. Il y a un chapitre aux dépenses assurance-maladie qui est bloqué depuis 1987, soit depuis une trentaine d’années. Entre les tarifs des consultations remboursables arrêtés à 50 DA et ceux des praticiens, il y a une différence qui peut aller jusqu’à 20%. Il est anormal que cette tarification soit maintenue. Une réforme de la tarification est actuellement en cours. Si la Cnas décide de rembourser les tarifs des praticiens privés, elle ira droit vers sa faillite.  Il faut une réflexion profonde. La Cnas ne doit pas être une simple caisse de remboursement. Elle doit avoir une politique de maîtrise de l’assurance sociale. Au-delà de l’épineux problème du non-recouvrement des cotisations, il y a aussi la grande problématique de la ressource humaine dans le corps des contrôleurs médicaux et des médecins-conseil. Cet encadrement est complètement dépassé, ne bénéficiant souvent d’aucune formation ou de recyclage. Le projet de réforme a montré qu’il était temps qu’on réfléchisse au devenir du système social en impliquant les universitaires, les spécialistes et toutes les compétences du secteur. 

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