Le parc des Grands Vents (Dounia Parc) d’Alger, destiné à constituer un parc citadin de villégiature pour les habitants de la capitale et un pôle écologique et touristique par excellence, est au centre d’un scandale. Lors d’une visite de travail dans la wilaya de Tipasa, jeudi dernier, Abdelouahab Nouri, ministre de l’Aménagement du Territoire, du Tourisme et de l’Artisanat, a fait des révélations fracassantes. Il a dénoncé la distribution «illégale» de 65 hectares sur un total de 1059 ha. Il a qualifié cette situation de «très grave d’autant plus que cette répartition n’a pas tenu compte de la moindre condition réglementaire et s’est déroulée de manière clandestine, sans aucun plan d’aménagement ou de lotissement pour l’implantation de projets suspects, pour la plupart d’entre eux (une quarantaine) des fast-foods et des restaurants». Pourtant, il s’agit d’une zone protégée ! Le ministre a affirmé qu’il a annulé le contrat des 96 bénéficiaires qui seront indemnisés. «Est-ce que c’est ce genre d’investissement touristique dont a besoin l’Algérie ?» s’insurge le ministre. Le plan d’aménagement du parc Dounia a été rendu public officiellement en septembre 2008 par le ministère de l’Aménagement du territoire, de l’Environnement et du Tourisme de l’époque et le principal porteur du projet, le groupe émirati EIIC (Emirati International Investment Company) qui a présenté ce projet sur maquette en 2007. Ce plan prévoit de consacrer plus de 70% de la superficie globale au côté «parc» (aires de jeux, terrains de sport, jardins botaniques, forêts...) et 30% à construire, notamment, 13 000 logements de standing, 500 chambres d’hôtel, un amphithéâtre de 5000 places, un parking de 8000 places, des commerces, un hôpital «international» et une tour de 47 étages. La réalisation de ce parc devait coûter plus de 5 milliards de dollars d’investissement avec un délai de mise en œuvre de cinq ans à partir de 2008. Après de longues négociations, la convention d’investissement portant sur la réalisation de ce parc de loisirs a été signée en mars 2011 par l’Agence nationale de développement de l’investissement (ANDI) et le groupe EIIC. LE MINISTRE HAUSSE LE TON Au cours de son déplacement, M. Nouri a haussé le ton. Avec des mots assez durs, il s’est adressé aux responsables de son secteur, les mettant tous face à leurs responsabilités. Et son discours inclut l’ensemble des gestionnaires touristiques du pays. A ses yeux, il faut en finir avec l’impression dominante jusque-là qui consiste à se contenter de sauver les apparences. Il est important de passer d’une phase de diagnostic à celle des interventions concrètes. Retard dans les projets de modernisation et de mise à niveau du parc hôtelier public, zones d’expansion touristique (ZET) perdues ou détournées de leur vocation, dépassements et laisser-aller de certains directeurs du tourisme constatés lors de cette saison estivale... le ministre n’a pas mâché ses mots. DÉTOURNEMENT D’ESPACES Quant aux zones d’expansion touristique, il rappelle que le décret remonte à 1988 qui a fait l’inventaire de 205 ZET, dont 160 situées le long de la côte, 22 ans les Hauts-Plateaux et 23 dans le Grand- Sud. Mais ces chiffres ne sont plus valables et ne reflètent en aucun cas la réalité du terrain au regard des innombrables agressions et détournements d’espaces, souvent squattés et érigés en zones d’habitation ou industrielles. «Le foncier touristique est un sujet sensible qu’il faut traiter avec toute l’attention nécessaire», a-t-il soutenu. Ainsi, l’assainissement du foncier est apparemment un dossier prioritaire. Interrogé sur les travaux de réhabilitation au niveau des complexes touristiques publics de Tipasa (Matares, la Corne d’or), le ministre s’est dit «insatisfait» du rythme imprimé aux chantiers et de la faiblesse de leur suivi. «On bricole», a-t-il fini par lâcher comme pour exprimer son mécontentement. Pourtant, le Conseil des participations de l’Etat (CPE) avait donné son aval depuis 2011 pour «le renouvellement des équipements, des infrastructures et la création d’autres activités». M. Nouri a annoncé le lancement d’un concours pour le recrutement d’ingénieurs et techniciens pour le suivi de ces opérations, car il a constaté que «les cadres hôteliers actuels ne sont pas qualifiés pour faire le suivi de la réhabilitation». Si certains observateurs doutent de la capacité de M. Nouri à bouleverser l’ordre des choses, d’autres, en revanche, relèvent qu’il pourrait bien opérer des changements importants. Extrêmement lents, les rares progrès n’ont pas eu de retombées substantielles sur le secteur.
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