L’avant projet du code du travail constituait une remise en cause des droits et acquis sociaux et syndicaux. D’ailleurs, l’une des revendications de l’intersyndicale qui entrera en grève nationale les 17 et 18 octobre : être associée aux discussions sur ce nouveau code. El Watan Week-end a tenté, avec l’expert Noureddine Bouderba, de décortiquer certains chapitres. Recrutement Un CDD ne peut pas faire l’objet de plus de trois renouvellements successifs (article 26). Cette disposition permet la conclusion de quatre contrats successifs sans que la durée maximale cumulée soit limitée. Cette dernière est de 24 mois au Maroc, de 18 mois en France, de 12 à 36 mois en Espagne, d’une année en Corée du Sud… Par ailleurs, la notion de renouvellements successifs n’est pas précisée ; or la pratique a montré que deux CDD qui se suivent, séparés de quelques jours, ne sont pas considérés comme successifs. Il faut souligner que le recours aux CDD a été élargi à de nouvelles activités de nature permanente, au moment où les voies judiciaires pour une demande de requalification d’un CDD en CDI sont jalonnées d’obstacles infranchissables. A côté du CDD seront institués le travail intérimaire et le travail de sous-traitance qui sont les formes les plus précaires sans que des dispositions de protection particulières soient prévues. Licenciement La législation actuelle n’autorise que deux types de licenciement : le licenciement pour raison disciplinaire ou la compression d’effectif pour raison économique. L’actuel avant-projet introduit plusieurs autres motifs, tels que la rupture anticipée du CDD, le licenciement d’un CDI pour incapacité totale de travail, la fermeture de l’entreprise, la rupture conventionnelle. Par ailleurs, le pouvoir de l’employeur en matière de licenciement disciplinaire a été considérablement renforcé au moment où la sanction des employeurs pour licenciements irréguliers a été assouplie. Enfin, les indemnités de licenciement et les réparations en cas de licenciement abusif prévues dans l’avant-projet sont inférieures à celles en vigueur dans les pays de la région. Un travailleur ayant fait l’objet d’une condamnation définitive privative de liberté pour un délit non commis à l’occasion du travail est licencié : à titre d’exemple une condamnation pour non-paiement de pension alimentaire ou pour omission d’effectuer le contrôle technique de sa voiture… (art 91 alinéa 3). Même dans le cas où le juge décide qu’un licenciement est abusif, le travailleur ne pourra prétendre à la réintégration si l’employeur s’y oppose, en contrepartie d’une compensation financière fixée à un niveau qui est loin d’égaler ce qui se pratique dans les pays de la région (plafonnée en fonction de l’ancienneté à 24 mois de salaire en Algérie pour 36 mois de salaire au Maroc et en Tunisie). En cas de licenciement abusif (irrégulier) d’un travailleur qui a commis une faute grave, le plancher de 6 mois de salaire mensuel a été supprimé et l’indemnité sera fixée par le juge (article 102). L’indemnité de licenciement pour compression d’effectif est maintenue à 3 mois de salaire quelle que soit l’ancienneté du travailleur, soit à un niveau très bas par rapport à ce qui se pratique dans les pays de la région. Horaires de travail En matière de diminution ou d’augmentation de la durée hebdomadaire du travail pour certains postes présentant une pénibilité ou des périodes d’inactivité, l’avant-projet réserve à l’employeur le pouvoir de fixer unilatéralement la liste des postes concernés et de préciser pour chacun d’entre eux, le niveau de réduction ou d’augmentation de la durée du travail effectif et la négociation collective ne déterminera que la liste des travaux concernés (article 39). Alors que selon la législation en vigueur toutes ces mesures sont tributaires d’accords collectifs. L’aménagement et de la répartition des horaires de travail à l’intérieur de la semaine sont déterminés dans le cadre de l’organisation du travail de l’organisme employeur (art. 38), autrement dit unilatéralement par l’employeur alors que selon la législation actuelle, ils relèvent de la négociation collective (loi 90-11 art. 22). Justice du travail Les jugements de réintégration, même ayant acquis la force de la chose jugée (après appel) ne pourront plus donner lieu à un jugement sous astreinte journalière pour obliger l’employeur à les appliquer (art. 306). Autrement dit, l’employeur peut s’opposer à la réintégration du travailleur moyennant le paiement d’une indemnisation. Par ailleurs, tous les jugements des sections sociales rendus en premier ressort, sur toutes les matières, sont susceptibles d’appel alors que selon la législation actuelle, les jugements en matière de réintégration, d’annulation des sanctions, de délivrance de certificats de travail ou de bulletins de paie ou ordonnant l’application d’un accord de conciliation sont rendus en premier et dernier ressorts par le tribunal de première instance. Restrictions aux libertés syndicales Un syndicat des travailleurs à vocation nationale, pour être constitué, doit regrouper au moins 25 membres fondateurs résidant dans un tiers du nombre de wilayas du pays (art. 509). Cet obstacle vient s’ajouter aux limites aux droits des travailleurs, de constituer, sans distinction de nationalité et sans autorisation préalable, des organisations syndicales de leur choix et de s’y affilier. Ainsi, l’exigence du récépissé d’enregistrement, sans lequel aucun syndicat ne peut activer, est maintenue (art. 510) avec en sus un allongement du délai accordé à l’autorité publique pour le délivrer, qui est porté de 30 à 60 jours. Droit de grève Pour qu’elle soit jugée légale, la grève doit être approuvée par un vote à bulletins secrets à la majorité des travailleurs réunis en assemblée générale, constituée d’au moins de la moitié des travailleurs composant le collectif concerné. Le calcul du quorum sur la base de la totalité du collectif concerné et non pas sur le nombre des membres de l’organisation syndicale est un autre obstacle majeur devant les travailleurs. Comment expliquer qu’un syndicat est jugé représentatif au sein de l’organisme employeur dès lors qu’il regroupe 20% de l’effectif total des travailleurs salariés couverts par ses statuts (art. 536) mais doit, pour exercer son droit de grève, réunir plus de 50% non pas de ses adhérents, mais de la totalité des travailleurs du collectif ?
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