Si les deux formations au pouvoir, le FLN et le RND, ont qualifié la 7e législature de positive, l’opposition parlementaire, représentée par le FFS, le PT et l’Alliance de l’Algérie verte, l’a sévèrement critiquée. Pour le FFS, l’APN mérite le qualificatif de «chambre d’enregistrement», alors que le PT l’assimile à une «cathédrale dans le désert» et les partis islamistes pensent que «le Parlement ne contrôle nullement l’Exécutif», mais il est plutôt un simple instrument entre les mains des gouvernants. Le FFS affirme ne s’être fait aucune illusion sur le caractère limité des possibilités objectives de faire aboutir, à l’intérieur du Parlement, l’ensemble des transformations radicales que requiert le passage à une véritable transition démocratique. Des projets de loi ont été proposés par les députés FFS, a dit le chef du groupe parlementaire, Chafaâ Bouaïche, comme ceux relatifs à la réhabilitation des victimes des événements survenus entre 1963 et 1965, à l’amendement du code pénal, à la reconnaissance du statut de martyr pour les victimes du 8 Mai 1945, à l’instauration de Yennayer (le 12 janvier) comme journée fériée. Toutes ces propositions ont été rejetées par le bureau de l’APN, qui est «totalement soumis au gouvernement» et ne laisse, déplore le FFS, «aucune initiative» aux parlementaires. Ce parti dénonce, en outre, la dictature de la majorité. De ce fait, les députés FFS ont opté pour une autre stratégie, celle-ci consiste à occuper le terrain et à aller partout où des Algériennes et des Algériens lui accordent leur confiance et veulent travailler avec lui et en organisant des sorties de proximité dans les wilayas, notamment celles de l’intérieur du pays. «Une cathédrale dans le désert» Les parlementaires du FFS ont effectué plusieurs visites au sud du pays pour exprimer leur solidarité avec les militants de Ghardaïa, les chômeurs de Ouargla, le Mouvement antigaz de schiste à In Salah. Plusieurs actions de solidarité avec les militants associatifs et des syndicats ont été organisées par les députés FFS, ainsi qu’une journée parlementaire sur les droits de l’homme. Les familles de disparus se sont exprimées pour la première fois à l’intérieur de l’APN. Tout en respectant les députés qui essaient d’honorer leur mandat, les élus du Parti des travailleurs dressent un réquisitoire très sévère quant au rendement de cette législature. Elle est, selon eux, de loin «la pire depuis 1979». Le député Taazibt estime qu’elle est issue d’une «élection truquée» et, de plus, «polluée par l’argent» comme elle est «en décalage total avec la vie politique, sociale et économique» du pays. «L’APN est devenue un instrument entre les mains de l’Exécutif. Il n’y a jamais eu de débat général, alors que ce ne sont pas les sujets qui manquent : il y a eu la problématique du gaz de schiste, les événements de Ghardaïa, la chute du prix du pétrole», explique Taazibt. Fustigeant l’Exécutif, les députés du PT rappellent que le Premier ministre est en charge de présenter, chaque année, le plan d’action du gouvernement et le bilan de politique générale, mais il ne l’a jamais fait et personne à l’APN ne le réclame ou ne rappelle à l’ordre le chef de l’Exécutif : «L’APN possède des prérogatives qu’elle n’utilise pas. Il n’y a aucune volonté politique pour que l’APN joue son rôle. L’essentiel des propositions ou initiatives de l’opposition sont rejetées sans aucune conviction. Idem pour les amendements qui sont souvent rejetés mécaniquement, de la loi de finances 2017 dans des conditions chaotiques sans respect du règlement intérieur et avec falsification des rapports.» «Nous participons à cette Assemblée que nous utilisons comme une tribune pour exprimer tout ce qui est ressenti par la population», se défendent les députés du PT. Une APN aux «ordres » L’Alliance de l’Algérie verte (AAV) composée du MSP, d’Ennahda et d’El Islah, partage cet avis. L’AAV prend part à l’APN pour «dire tout haut ce que le citoyen pense tout bas». Mais Laouar Naamane du MSP regrette qu’au sein de l’APN, les députés ne soient pas acteurs mais simples observateurs. «Nous voulons être des acteurs avec un minimum de prérogatives afin de pouvoir dénoncer, critiquer et améliorer la situation , mais il n’ y a pas de volonté politique pour atteindre cet objectif. Le gouvernement fait de son mieux pour mettre hors jeu le Parlement», affirme ce député, persuadé que l’APN, telle que conçue actuellement, ne joue nullement son rôle de contrôle de l’action de l’Exécutif. Bien au contraire, elle est entre les mains de l’Exécutif qui l’utilise pour faire passer toutes ses lois, quelle que soit leur nature. Contrairement aux députés des partis au pouvoir, le représentant de l’AAV énumère la longue liste des projets et propositions de loi qui n’ont pas été acceptés par le bureau de l’APN. Seuls les textes émanant du gouvernement ont été débattus par la Chambre basse du Parlement. Aucune commission d’enquête n’a été acceptée durant cette législature. «La précédente législature, même si elle était faible, a au moins accepté une commission d’enquête», note M. Naamane. S’agissant des questions orales, plus de 800 ont été formulées par les députés et le gouvernement a répondu à moins de 400. «Le gouvernement a répondu à moins de 50% des questions adressées par les députés. A quoi sert-il donc de formuler des questions, si le gouvernement n’y répond pas ? La Constitution stipule qu’il relève des prérogatives du député de poser des questions et de la responsabilité du gouvernement d’y répondre», estime M. Naamane. Mieux encore, dit-il, toutes les propositions d’amendements ont essuyé un refus. L’autre problème qui perdure est le cumul des fonctions. En dépit de son interdiction par la Constitution, le député MSP explique que cette pratique est toujours de mise. Les députés de l’AAV déplorent que le bureau de l’APN soit dirigé uniquement par des députés FLN et RND. «Des élus enfreignent le règlement intérieur, des textes de loi ont été adoptés en l’absence de quorum. Des commissions qui doivent être composées au maximum de 50 membres fonctionnent avec 80. Ce n’est pas normal», s’indignent les députés de l’AAV, déplorant au passage que l’APN soit «sous les ordres du gouvernement». «Débats houleux et vitalité» Du côté du FLN et du RND, l’on dresse un bilan des plus positifs de cette 7e législature. Chihab Seddik du RND estime qu’«elle a été très riche et dense en matière d’activité dès lors que les députés ont eu à discuter et approuver 58 projets de loi. 800 questions orales ont été formulées par des députés dont 400 ont eu des réponses». L’APN a effectué, se réjouit M. Chihab, «des inspections sur le terrain, 50 sorties au total, dans plusieurs wilayas, pour s’enquérir des sujets en lien avec les citoyens, comme celui du gaz de schiste». Pour le représentant du RND, l’Assemblée se porte bien, preuve en est, dit-il, «les échanges d’idées et les prises de bec qu’ont connus certaines plénières». «Les débats houleux sont une forme de vitalité qui nous laisse espérer la construction d’une démocratie. Nos députés n’ont pas fait de proposition de loi, car nous n’en avons pas senti le besoin», affirme M. Chihab, précisant que «les députés RND ont été les plus disciplinés et ont approuvé tous les projets, car leur mission première est de soutenir le gouvernement». «Nous ne sommes pas là pour faire du populisme, l’opposition s’oppose et les autres légifèrent. Nous avons dit oui aux nouvelles dispositions de la LF-2017, car il s’agit pour nous de la meilleure approche» pour atténuer l’impact de la crise sur les couches défavorisées.Nabila Amir
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