jeudi 23 février 2017

Les syndicats autonomes peinent à arracher la place de partenaire social

C’est dans les domaines de l’éducation et de la santé que les syndicats se sont imposés comme principaux interlocuteurs. Au moins une cinquantaine de syndicats autonomes existent depuis 27 ans déjà, à la faveur de deux lois (90-14 et 90-02) promulguées dans le cadre de la révision constitutionnelle de 1989, qui avait consacré les libertés syndicales. Ils sont dans les secteurs de la Fonction publique et économique public et représentent des corporations différentes, allant de la marine marchande, de la maintenance et de la navigation aériennes au personnel des collectivités locales et des impôts. Cependant, c’est dans les domaines de l’éducation et de la santé, où ils sont les plus représentatifs, qu’ils se sont imposés comme principaux interlocuteurs pour arracher des acquis considérables, durant ces dernières années. Mieux encore. Ils ont réussi à instaurer de nouvelles pratiques de lutte syndicale et grignoter une bonne part du terrain, où agissait en maître l’Union générale des travailleurs algériens (Ugta) en tant qu’unique syndicat depuis l’indépendance jusqu’en 1989. S’ils n’étaient pas visibles durant les années 1990 en raison du terrorisme, ils se sont rattrapés dès le début des années 2000, en occupant le terrain de la revendication, à travers de nombreuses grèves paralysant les secteurs de la santé, du transport maritime, mais surtout de l’éducation. Après des mois de contestation et une mobilisation impressionnante, les syndicats autonomes ont réussi à arracher des acquis salariaux considérables. Ils continuent contre vents et marées à défendre les acquis sociaux. En dépit d’une législation en faveur du pluralisme syndical, ces organisations rencontrent d’énormes difficultés à s’organiser et à exercer leurs droits alors que leurs cadres dirigeants sont souvent victimes de menaces, d’intimidations et de pratiques abusives de l’administration. Plus grave. Le droit syndical est régulièrement foulé aux pieds et les grèves sont souvent suivies d’une action en justice, qui se termine par une décision en défaveur des grévistes. Les entraves aux libertés syndicales se sont multipliées. Si dans le secteur économique public, les syndicats autonomes rencontrent de grandes difficultés à se faire une place en raison de la situation de monopole exercée par l’Ugta, dans le domaine économique privé, ils se heurtent à un mur qui empêche toute activité syndicale. Le secteur privé reste pour les syndicats une citadelle impossible à pénétrer. Toutes les tentatives de regroupement de syndicats autonomes autour d’une confédération se sont heurtées au refus de l’administration. Dans un environnement aussi hostile, les syndicats autonomes ont usé de tous les moyens pour défendre leurs acquis et faire entendre leurs revendications, notamment le recours aux grèves de la faim. Non reconnus légalement pour ne pas dire interdits d’exercice, et présents que dans certaines branches d’activité, ils sont à chaque fois écartés des négociations sociales et leurs dirigeants sont souvent victimes de licenciements arbitraires, de harcèlement judiciaire... Environnement délétère et multiples violations du droit syndical Ce climat délétère a suscité des réactions en cascade d’ONG et d’institutions internationales des droits de l’homme. Jamais l’Algérie n’a été autant de fois épinglée que durant ces dernières années. Dans son rapport de 2010, la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH ) a fait ressortir de «nombreuses violations des obligations de l’Algérie du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. D’importantes grèves dans de nombreux secteurs d’activité ont, en effet, secoué l’Algérie au cours de ces derniers mois (…). Or, plutôt que d’inciter les autorités à organiser le dialogue social, ces manifestations sont le plus souvent réprimées et les revendications socioéconomiques étouffées. Les canaux du dialogue social sont manifestement grippés, l’UGTA ne peut plus légitimement se réclamer représentante de l’ensemble des travailleurs, et les syndicats autonomes restent confrontés à de nombreux obstacles dans l’exercice de la liberté syndicale», avait écrit la FIDH. Au mois de mai 2012, la Confédération syndicale internationale (CSI) a exprimé sa solidarité avec les responsables syndicaux représentant des greffiers de justice en grève de la faim. Par leur action, ils dénonçaient le refus du ministère de la Justice de reconnaître leur organisation, affiliée au Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (Snapap). La Confédération s’est déclarée «très inquiète» pour la santé des grévistes de la faim et a exhorté «le gouvernement à revenir sur sa politique de confrontation, accepter le droit de ces personnels de former leur propre syndicat et d’y adhérer, et à négocier une solution globale pour les plaintes qu’ils ont soulevées. Un ministre de la Justice doit avant tout agir de façon juste, conformément au droit international». Au mois d’avril 2016, la CSI a exprimé son soutien aux «2500 enseignants confrontés à la répression du gouvernement, suite à leurs revendications pour la conversion de leurs contrats en CDI, et a appelé le gouvernement à engager un réel dialogue afin de répondre à la demande de ces professionnels de l’éducation». Plus récemment, entre le 28 novembre et le 1er décembre 2016, lors de la 16e session de son conseil général, à Vienne, regroupant les représentants d’Afrique, des Amériques, d’Asie-Pacifique, d’Europe et du MENA, la CSI a réitéré «son soutien total aux luttes syndicales en cours en Algérie sous la direction de la coalition des syndicats indépendants pour la défense des droits légitimes des travailleurs algériens, ainsi que leurs aspirations à de meilleures conditions de vie et de travail». Elle a, également, demandé aux autorités algériennes de «mettre fin sans délai aux mesures répressives qui ont pour cible le syndicalisme libre et indépendant, aux arrestations et mauvais traitements qui frappent les dirigeants syndicalistes et qui se multiplient» et a appelé «l’ensemble de ses organisations syndicales affiliées, ainsi que les organisations internationales dans le monde à soutenir la juste lutte du mouvement démocratique et indépendant algérien». En dépit de tous les obstacles auxquels ils sont confrontés et l’environnement défavorable dans lequel ils exercent, les syndicats autonomes ont réussi à s’imposer sur le terrain des libertés syndicales. Cependant, il leur reste du chemin à faire et encore d’autres obstacles à surmonter pour se faire accepter comme partenaire social incontournable.  

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