samedi 1 avril 2017

La défense dénonce «un procès d’intention» et «une atteinte aux libertés individuelles»

Le procès des 36 présumés candidats au djihad dans les rangs de Daech en Syrie s’est poursuivi avant-hier au tribunal criminel de Boumerdès, et ce, jusqu’à une heure tardive de la soirée avec les plaidoiries des avocats de la défense. Les accusés parmi lesquels se trouvent 7 femmes et trois couples sont poursuivis, entre autres, pour «tentative d’adhésion à un groupe terroriste activant à l’étranger», «apologie du terrorisme», «non-dénonciation d’actes terroristes», «détention illégale d’armes à feu», «diffusion de manuscrits faisant l’apologie du terrorisme». L’affaire remonte, pour rappel, au mois de novembre 2015 quand les services de sécurité avaient reçu des plaintes faisant état de la disparition d’une fille et d’une femme de Rouiba, à l’est d’Alger. Après enquête, ils ont découvert que ces dernières avaient rejoint les rangs de Daech en Syrie en passant par la Turquie. Les investigations des services de sécurité ont abouti également à l’arrestation de 36 personnes, natives de plusieurs wilayas du pays, qui entretenaient des liens sur les réseaux sociaux. De fil en aiguille, la police a ainsi découvert qu’au moins une trentaine d’Algériens habitant à Boudouaou, à 30 km à l’est d’Alger, avaient déjà réussi à rallier l’organisation d’Abou Bakr El Baghdadi. Le premier à avoir tenté l’aventure répond au nom de Merimi Mohamed, alias Abou El Maram El Djazaïri, l’actuel mufti et guide spirituel de Daech. Sa femme, Yasmina G. et ses deux gendres ont été arrêtés deux mois plus tard. Ingénieur de formation, Abou Maram (34 ans) était très connu dans les milieux salafistes à Boudouaou. Avant son départ pour la Syrie, il exerçait comme marchand de fruits et légumes. Une fois en Syrie, il multiplia les contacts avec ses amis et sur les réseaux sociaux pour créer une cellule de l’EI en Algérie. Il avait réussi à convaincre une trentaine de personnes de rallier sa cause en allant faire le djihad en Syrie. Les plus connus d’entre eux sont les dénommés Moukas Fares, alias Abou Doudjana, Boubekeur Hammache,  alias Abou El Abas, et Aït Saïd Salem dit Abou Mahmoud El Fatah. «Cette affaire est montée pour plaire à l’occident» Accusés d’entretenir des liens avec Daech sur le Net et d’avoir publié des messages faisant l’apologie du terrorisme, la quasi-totalité des individus présentés devant le tribunal criminel de Boumerdès ont tous nié les faits qui leur sont reprochés. Leurs avocats parlent d’un procès d’intention et une violation des libertés individuelles. Me Bouchachi s’est dit «triste pour la justice de mon pays». «Cette affaire est une perte d’argent et d’énergie. On a fait venir tout ce beau monde ici pour démontrer aux puissances occidentales que l’Algérie est en train de combattre Daech. Nous sommes une nation qui mange ses enfants. Au lieu de donner une bonne image du pays dans d’autres domaines comme l’agriculture et la protection de l’environnement, on essaye de prouver qu’on est des champions dans la lutte antiterroriste. Quand j’ai lu le dossier, j’ai été déçu. On accuse des gens de terrorisme parce qu’ils ont mis ‘‘j’aime’’ sur une publication ou une vidéo sur internet. C’est un abus caractérisé. Messieurs les juges, vous allez rester dans l’histoire. Vous devez dire qu’il n’y a pas d’affaire. Ensuite, pourquoi a-t-on attendu 15 mois pour juger ces gens ? Vous trouvez normal d’emprisonner une femme qui a un bébé en l’obligeant de le faire téter dans sa cellule. C’est cela la justice ?» s’est-il interrogé. Me Bouchachi revient sur les déclarations des accusés qui ont affirmé avoir subi des pressions et de mauvais traitements afin de reconnaître les faits qui leur sont reprochés. «Certaines révélations doivent donner lieu à des enquêtes», a-t-il estimé. «On a emprisonné de simples internautes» Me Hamidani, lui, parle d’«un procès de simples internautes». «Cette affaire est une véritable atteinte aux libertés individuelles. Qu’ont fait ces gens pour les mettre en prison. On n’est pas en train de juger sur des faits mais sur des intentions et des suppositions. Certains sont inculpés parce qu’ils ont cherché à savoir et comprendre ce qui se passe en Syrie ou l’Irak. C’est absurde. L’article 81 du code pénal précise qu’il faut qu’il y ait délit pour parler de non-dénonciation. Or, dans cette affaire il n’y a aucun délit», a-t-il appuyé. Et d’ajouter : «L’une des femmes (M. Feriel de Constantine, ndlr) qui sont devant vous a donné naissance à un bébé en prison. Y a-t-il une peine plus grave que celle-ci ? On l’a emprisonnée parce qu’elle a échangé des messages sur Facebook avec un gars d’El Harrach concernant Daech.» Me Bouzakaria fait le parallèle avec les années 1990. «A l’époque, on condamnait de gens sur la base de rien. Ce n’est pas avec la répression qu’on va instaurer la justice et un Etat de droit», a-t-il ajouté, soulignant que ce n’est pas avec des statistiques qu’on va combattre le terrorisme. Pour Me Sedrati, l’affaire n’a pas lieu d’être, soulignant que s’il y a une vraie justice, le terrorisme disparaîtra.

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