mercredi 3 août 2016

Sursaut ou profession de foi ?

Sursaut ou simple opération de communication, la nouvelle mesure annoncée lundi à Bouira par Abdelkader Ouali, ministre des Ressources en eau et de l’Environnement, pour l’économie du précieux liquide devra faire l’épreuve du terrain. Des brigades de surveillance sont déployées progressivement à travers les 48 wilayas, a-t-il affirmé, dans le cadre d’un nouveau dispositif de lutte contre le gaspillage de ce liquide vital. Une annonce qui ne peut qu’être applaudie par tous. Mais au moment où le ministre annonçait cette mesure devant les journalistes, les deux tiers de la ville de Constantine avaient vu l’alimentation en eau suspendue pour cause de perturbations sur le réseau. Mieux, la wilaya de Mila, intronisée capitale de l’eau, souffre encore de rationnement comme aux pires années de la crise. La radioscopie du secteur montre que partout, sur le territoire national, des points noirs persistent dans la distribution de l’eau, créant des inégalités entre villes et villages, parfois entre quartiers d’une même agglomération. A la faveur de l’été, a fortiori quand les précipitations hivernales ne sont pas importantes, à l’image de l’année en cours, le déficit est exacerbé et la crise se fait sentir. Pour le gouvernement, c’est pour parer justement à ce genre de situations que la lutte contre le gaspillage est engagée. Pour le citoyen, par contre, les autorités devraient montrer d’abord l’exemple et arrêter de remplir les piscines personnelles avec les camions des pompiers au moment où des populations souffrent de la soif. Les citoyens de Khenchela en savent quelque chose. Ratés Depuis que l’Etat a repris l’investissement dans le secteur pour répondre à la crise aiguë du début des années 2000 et rendre démocratique l’accès à l’eau, beaucoup d’argent a été alloué pour construire des barrages et des systèmes complexes d’adduction et de distribution. 50 milliards de dollars, a rappelé M. Ouali ; une enveloppe que peu d’Etats sont capables d’investir. Cependant, les ratés de cette politique amorcée depuis plus de dix ans écornent l’image d’un Etat soucieux de préserver la ressource et alimentent la méfiance des populations chaque fois que des décisions sont annoncées. Officiellement, ces brigades ont été mises en place pour veiller à économiser l’eau dans notre pays et préserver les réalisations qu’a connues le secteur ces dernières années, a expliqué M. Ouali. Mais de quelles économies peut-on parler dès lors que la promesse d’une alimentation en eau en H24 n’a été tenue que sur des territoires limités ? A moins que «la police de l’eau» que vient de créer le ministre ne s’intéresse qu’au piquage illicite et à la déperdition de la ressource à travers des réseaux vétustes ou mal installés. Le gaspillage induit par la mauvaise gestion de l’eau par l’ADE et les sociétés créées dans les grandes villes est l’ennemi à combattre si l’on veut régler le problème en amont. La volonté de moderniser le système par la création dans les grandes villes de sociétés mixtes en partenariat avec des sociétés européennes ont donné des résultats mitigés, voire nuls dans le cas de Annaba. Impunité A Constantine par exemple, le départ de la Marseillaise des eaux après 5 ans d’intervention dans le cadre d’un contrat généreusement payé par l’Algérie a laissé la Seaco dans un état d’immaturité et de désorientation. Cette société créée entre la Marseillaise et l’ADE pour la gestion de l’eau dans la capitale de l’Est est aujourd’hui loin de satisfaire aux besoins d’un réseau dense et complexe, marqué par des déperditions non encore maîtrisées. Les Français ont omis, entre autres, de former les équipes locales, comme stipulé dans le contrat, ce qui n’est pas pour améliorer l’état d’un réseau à problèmes. Les nombreuses défaillances françaises ont été «pardonnées» par l’Etat algérien, alors que les conséquences font qu’aujourd’hui il y a besoin de revoir le réseau en entier, sur des milliers de kilomètres. Et c’est dans le sillage de cette «impunité» que les Algériens se sont mis à reproduire de mauvais comportements et l’irresponsabilité vis-à-vis de l’eau. Des cas nombreux de piquage illicite sont signalés ; des lotissements entiers sont alimentés frauduleusement. Aussi, les sociétés de gestion sont confrontées à des créances qui se chiffrent en centaines de milliards. Beaucoup de citoyens ne payent plus l’eau qu’ils consomment et il s’agit manifestement d’une attitude assumée. Entre les défaillances systémiques et les impertinences du citoyen, l’avenir de l’eau pose un sérieux problème en Algérie. Et c’est d’abord un problème de relation de confiance avec le citoyen que l’Etat doit résoudre, d’autant que si la révision du prix de l’eau n’est pas à l’ordre du jour, comme l’a confié à El Khabar Abdelkader Ouali, tôt ou tard, la question sera remise sur le tapis. A ce moment-là, l’Etat devra être irréprochable.

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