vendredi 2 septembre 2016

En France, nous assistons à une radicalisation politique de nos élus

La campagne anti-burkini, menée par certaines mairies françaises, a soulevé de vives tensions en Fraance, au Maghreb et ailleurs dans le monde. Cette nouvelle mesure laisse place à toutes les lectures. Est-elle une radicalisation du gouvernement français face aux attaques et aux menaces de l’islamisme et du terrorisme ou juste une carte électorale que certains tentent de jouer à l’approche des élections en France. - L’interdiction du burkini dans certaines communes françaises, notamment à Nice, a soulevé de vives tensions en France et dans d’autres régions du monde, comme l’Algérie. Votre association a pris position et proposé son soutien aux femmes «discriminées». En quoi consiste votre initiative ? Notre action première a été d’alerter l’opinion publique sur les procédés liberticides qui sont utilisés à l’encontre de la communauté musulmane. Nous avons récupéré plusieurs vidéos de verbalisation de femmes voilées et sommes entrées en contact avec ces personnes qui sont traumatisées par l’humiliation. Pour ce qui est du volet juridique, nous transmettons les informations dont nous disposons au Collectif contre l’islamophobie en France qui se charge de déposer les recours devant les tribunaux. - Quels étaient les contenus des témoignages recueillis ? Nous avons recueilli de nombreux témoignages. Les familles sont choquées d’être traitées de manière aussi immonde. Pour l’instant, nous n’avons pas enregistré de plainte, car il faut attendre que le tribunal administratif annule tous les arrêtés un par un. Ensuite, les victimes de ces discriminations déposeront plainte et demanderont réparation pour le préjudice qu’elles ont subi. - Quelle est votre lecture sur cette décision d’interdiction des signes religieux dans les zones de baignade ? C’est très simple. Ce n’est pas une dérive ou une erreur commise par les mairies, mais la continuité de leur propagande islamophobe. Ils banalisent la pensée raciste et la légitiment. Ils ont un problème avec la visibilité et la présence de la communauté musulmane en France et tentent à tout prix de la rendre invisible. - Quelle est, selon vous, la situation des musulmans de France depuis les derniers attentats et la monté du FN ? Depuis les attentats de Charlie Hebdo, le Bataclan et plus récemment Nice, l’islamophobie n’a fait que progresser. Les scores du FN sont en constante augmentation et leur nombre d’adhérents a également explosé. Les prochaines élections présidentielles sont dans tous les esprits et il ne fait aucun doute qu’au vu des scores de l’extrême droite, tous les autres partis vont tenter de récupérer des voix en tenant les mêmes discours xénophobe, raciste et identitaire. - N’avez-vous pas l’impression que la France, avec ses positions politiques «controversées» dans sa lutte contre le terrorisme, est en train de se radicaliser ? Parfaitement d’accord avec cela. Nous assistons à une radicalisation politique de nos élus. Ils veulent absolument gagner des voix et pour y arriver ils vont dans l’extrême. - Mais l’islamisme et le terrorisme sont une réalité en France. De plus, il faut reconnaître aussi que la plupart, si ce n’est la totalité des terroristes ayant commis des attentats dans votre pays, sont d’origine maghrébine.  Que proposez-vous pour lutter contre ce phénomène et pour éviter que les Français d’origine maghrébine ne se radicalisent et ne rejoignent les groupes djihadistes ? Nous avons beaucoup travaillé et étudié les causes de ces basculements. Les principaux facteurs de radicalisation sont d’origine sociale. De très grande difficulté dans le processus d’intégration, structure familiale bancale, échec scolaire, délinquance, etc. Il faut vraiment travailler l’éducation de nos enfants et les protéger pour qu’ils soient armés intellectuellement pour faire face aux tentatives d’endoctrinement. Aujourd’hui, les stigmatisations et les accusations, dont fait l’objet la communauté musulmane, ne facilitent pas le contre-discours. La radicalisation politique fabrique les arguments de Daesh et c’est très difficile de travailler pour les contrer. - Pensez-vous que la formation des imams, proposée la gouvernement français, pouvait constituer une réelle solution contre la radicalisation des jeunes. Sinon, que proposiez-vous comme alternative au gouvernement français ? Je pense qu’il y a plusieurs facteurs qui doivent être pris en compte par le gouvernement. Evidemment, la formation des imams est essentielle. Il faut absolument les choisir de manière intransigeante, parce que la moindre erreur nous plongerait dans le chaos. Ceci dit, ces imams doivent être choisis aussi en fonction de leur représentativité. Les institutions adorent légitimer, comme représentants, des imams plutôt vieux, n’ayant pas vécu toute leur vie en France et qui ne connaissant pas réellement les difficultés de la jeunesse française issue de l’immigration. Evidemment, l’éducation religieuse est aussi importante pour contrer les discours radicalisés et il y a un grand besoin de travailler efficacement avec les institutions mais également avec la communauté musulmane. - Le Conseil d’Etat français a, tout de même, gelé la décision d’interdiction des signes religieux dans les zones de baignade. Est-elle, pour vous, la fin des austérités et vous attendez-vous à d’autres atteintes ? Ce n’est pas fini. La campagne électorale ne fait que commencer. Il faut malheureusement s’attendre au pire. Certains proposent déjà d’interdire les élèves voilées à l’universités ou même les signes religieux de l’espace public. Encore des mesures restrictives pour les musulmans et qui ne vont rien arranger à la situation du pays.  

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