La pénurie semble de nouveau s’installer. En effet, plus d’une soixantaine de médicaments sont introuvables. Les pharmaciens déplorent la situation et appellent les autorités à trouver des solutions rapidement. Ahmed Benfares, pharmacien d’officine et président du conseil de l’Ordre des pharmaciens de la région de Blida, explique les raisons de cette pénurie et propose des solutions. Selon le président du Syndicat national des pharmaciens d’officine, près de 60 médicaments ne sont pas disponibles sur le marché. Cela est-il vrai ? La liste des médicaments manquants est hélas aussi plus longue que ce que déclare M. Belambri. Cette déclaration n’a jamais cessé d’être d’actualité depuis des années tant la pénurie persiste dans le temps. Le pharmacien algérien est de tout temps écartelé par ses multiples responsabilités, et l’une d’entre elles, et pas des moindres, est celle de se procurer les produits manquants pour satisfaire la demande des malades. Si certains produits sont totalement absents des étagères, d’autres sont distribués avec parcimonie au vu de leur disponibilité restreinte faisant ainsi naître et entretenir des relations commerciales distendues et déréglées à tous les niveaux de la chaîne et dont la victime principale est le pharmacien. C’est ainsi que naissent des pratiques malsaines, comme la généralisation de la vente concomitante génératrice de gaspillage et le recours aux produits cabas maintes fois dénoncé pour ses aspects anti-déontologiques et les dangers qu’il représente sur la santé des malades. Selon la même source, même le générique est en rupture. Avez-vous une explication à cela ? Certains génériques manquent à l’appel effectivement. Il y a quelques mois de cela, les opérateurs de l’industrie pharmaceutique, par la voix de leurs représentants, ont donné l’alarme pour mettre en garde quant aux pénuries à venir faute d’avoir eu les programmes d’importation des matières premières signés à temps. Il se pourrait aussi que certains médicaments fabriqués en Algérie, qui ont vu leur importation précocement interdite alors que le fabricant n’est pas en mesure de couvrir les besoins nationaux, soient l’objet de tensions. Ce phénomène a été dénoncé à plusieurs reprises par des responsables et experts bien au fait de la situation. Pourquoi ce problème est-il si récurent ? Ce problème de pénuries a toujours existé, même au moment de l’embellie financière. S’il persiste encore, ce n’est certainement pas pour la seule raison de la crise économique. Il s’agit donc d’un problème de gestion et de coordination. Une bonne récupération et une meilleure exploitation des données sur les consommations et leurs prévisions sont utiles à l’approvisionnement régulier en médicaments. La production nationale a besoin aussi d’orientations strictes et d’encouragements pour assurer la diversité, le qualitatif et le quantitatif afin de couvrir les besoins. Beaucoup d’espoirs sont dans la mise en service de l’Agence nationale des produits pharmaceutiques, à condition qu’elle puisse disposer de tous les moyens pour gérer le délicat secteur de l’approvisionnement en médicaments. La mise à contribution des spécialistes du médicament, que sont les pharmaciens, est un facteur non négligeable dans la sérénité du secteur. La facture d’importation des médicaments a connu une baisse de plus de 11% au premier semestre de l’année en cours. Pensez-vous qu’il est normal qu’on fasse des économies sur les médicaments ? On dit que la santé n’a pas de prix mais elle a un coût. Il est très intéressant de réaliser des économies sur les importations des médicaments, comme sur toute autre chose, mais ces économies devraient être obtenues non pas par des restrictions mais plutôt par une rationalisation de la consommation et en évitant les gaspillages. Dans notre cas précis, si baisse du montant des importations il y a, ce n’est certainement pas en raison d’une rationalisation des consommations ni d’une autosuffisance par la production nationale pour la bonne raison que cela se traduit par des pénuries de médicaments sur le marché. Il s’agit donc très certainement d’un dérèglement des approvisionnements lié au retard mis dans la signature des programmes d’importation. Il m’est ainsi donné l’occasion d’aborder un moyen très efficace dans la rationalisation des consommations des médicaments par la mise à contribution des pharmaciens comme le recommandent l’OMS et la FIP (Fédération internationale de la pharmacie) en mettant en œuvre l’élargissement de la pratique pharmaceutique (EPP) qui fait appel aux compétences du pharmacien par son intégration dans le processus de soins de manière réglementée et codifiée. Les pays qui sont engagés dans ce développement réalisent des économies de santé très importantes. Au vu de l’évolution démographique, certains appellent à augmenter les budgets consacrés au médicament. Quel est votre avis ? Il n’y a pas que l’évolution de la démographie à prendre en compte. Un autre facteur aussi important est l’augmentation de l’espérance de vie : les Algériennes et les Algériens vivent plus longtemps. Les personnes âgées sont des populations très vulnérables. Elles sont plus exposées à certaines maladies et leur prise en charge médicale coûteuse. Le développement des maladies métaboliques est à prendre en considération. La prévalence de certaines maladies, comme le diabète, l’hypertension et le cancer, donnent des craintes sur l’avenir sanitaire. Le passage à de nouvelles thérapies basées sur les médicaments biologiques est un passage obligé si nous désirons une médecine performante. Ces médicaments innovants sont très onéreux. Autant de facteurs qui font que les dépenses en médicaments seront plus importantes et qu’il faudrait réfléchir à leur mobilisation. Une utilisation rationnelle des médicaments et la substitution par des génériques ont fait faire des économies importantes sur les dépenses en médicaments dans certains pays.
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