vendredi 25 août 2017

Mouton : Baisse temporaire des prix sur fond de crainte de maladie

Comme à chaque fête de l’Aïd El Adha, plusieurs questions refont surface, notamment le prix du mouton et la qualité de la viande. Certains marchands parlent d’une baisse temporaire des prix, mais ce n’est pas ce qui inquiète le plus l’Association de protection du consommateur (Apoce) qui craint le retour de l’histoire de la viande putréfiée. Comme à chaque fête de l’Aïd, les marchés de vente de moutons s’installent partout et submergent les lieux publics. Les marchands, eux, affichent de grands sourires au contact des clients, contrairement à ces derniers qui, comme chaque année, se tiennent le ventre quant au prix du bétail qui ne cesse d’augmenter. Du bouc au mouton, en passant par l’abattage collectif d’un bœuf, ce qui devient de plus en plus récurrent, tout dépend des moyens et des traditions des uns et des autres. De la famille des ovins, les Algériens préfèrent généralement le mouton pour célébrer ce sacrifice. Sur la route principale d’Ouled Fayet, à l’ouest de la capitale, les marchands habituels reprennent place. Ils habitent la région et disent être originaires de M’sila et de Médéa, pour sous-entendre probablement qu’ils sont connaisseurs en la matière. Tout au long de l’année, ils exercent d’autres métiers et s’improvisent marchands de moutons juste avant l’Aïd, une vingtaine de jours auparavant. Ces derniers proposent deux variétés de moutons, dont l’une est dotée d’une toison blanche et l’autre, plus engraissée que la première, tire vers le rose. Les vendeurs rencontrés sur les lieux assurent que leur bétail provient principalement de M’sila, Médéa, Bouktob (El Bayadh) ou de Mecheria (Naâma), régions connues pour l’élevage. Les prix, eux, varient d’un carré à un autre et se situent entre 35 000 et 70 000 da. Dans celui du Hadj Abdelaziz, 76 ans, originaire de Aïn Boucif (Médéa), un mouton de 53 000 da coûterait au kilogramme 1200 da. Mais il n’y a pas que cela, beaucoup proposent des prix fixes qui paraissent abordables par rapport au poids des moutons exposés. «Si les prix paraissent chers pour certains clients, c’est à cause du coût de son acheminement du Sud jusqu’à Alger et des frais dépensés avant la vente. Il faut savoir que les éleveurs vendent en gros. Le transport de M’sila vers Alger coûte 40 000 da, la location du terrain 25 000 da pour 20 jours et le grillage 10 000 da. Tout cela, sans compter l’aliment du bétail qui me revient 3000 da/jour avec les frais des travailleurs qui s’élèvent à 2000 da/jour. C’est tout un investissement. Parfois, on gagne et parfois on perd», explique Mohamed, cinquantenaire, propriétaire d’une centaine de têtes. Mohamed propose des moutons allant de 30 000 à 65 000 da dont le poids varie, selon lui, entre 30 et 40 kg. Il pense que les prix ont diminué cette année contrairement à l’année précédente, mais il se plaint déjà, à quelques jours seulement de l’Aïd, de la rareté des clients. D’ailleurs, il n’est pas le seul à se poser des questions.   Import Pour trouver des solutions, Mohamed prospecte avec d’autres vendeurs et profite de la présence des journalistes pour poser des questions en rapport avec l’importation et la contrebande du bétail. «Y a-t-il eu des importations de moutons de l’étranger cette année ? Avez-vous entendu parler des opérations de contrebande effectuées vers la Tunisie ?» interrogent-ils. Les journalistes présents n’avaient pas, au grand regret de ces vendeurs, toutes les réponses souhaitées. Originaire de Médéa, une vétérinaire tient à expliquer le fond de leurs questions : «Nos moutons passent les frontières illégalement et se retrouvent en Tunisie. Cette situation crée la pénurie en Algérie et déséquilibre l’offre et la demande, ce qui engendre l’augmentation des prix.» L’évocation d’un tel sujet a ouvert le débat entre les marchands. L’un d’eux, Brahim, rétorque : «Nous avons malheureusement perdu Tebboune. Je pense que si nous n’avions pas entendu parler d’une probable opération d’importation de bétail de l’étranger, comme c’était le cas durant les années précédentes, c’est en premier lieu grâce à lui. En tant que Premier ministre, il était connu pour être un fervent opposant à l’importation.» Le débat est devenu intéressant, mais il nous a surtout permis de comprendre que l’objectif recherché était de savoir s’il y a des facteurs qui favorisent l’augmentation des prix ou non. Dans les deux cas, Mustapha Zebdi, président de l’Association de protection et orientation du consommateur et son environnement (Apoce), pense que les prix sont déjà assez élevés comme ça. «Nous avons constaté une hausse des prix depuis trois jours, et ce, en rapport avec les restrictions de déplacement imposées par les autorités. Ces dernières exigent des vendeurs un certificat du vétérinaire, ce qui a conduit au manque de l’offre par rapport à la demande. La démarche est positive dans sa globalité, mais elle peut coûter cher au consommateur», annonce-t-il. Brahim reprend la parole et évoque le problème de la viande putréfiée qui a fait polémique l’année dernière. Le sujet n’est pas forcément celui que préfèrent les marchands, car il peut agir négativement sur les ventes, ce que les vendeurs redoutent. Abderrahmane, un autre marchand, trentenaire, chèche sur la tête, interfère dans la discussion : «Il s’agissait d’un problème de perfusion dont le convoi a tardé avant d’arriver aux éleveurs. Nos moutons devaient prendre ce médicament avant le printemps, donc avant l’aliment, chose qui ne s’est pas faite. Ils les ont pris pendant le printemps, ce qui était une erreur.»   Putréfaction En effet, hormis la question du kyste hydatique qui fait chaque année l’objet de campagnes de sensibilisation, les Algériens se sont réveillés, l’année dernière, avec un autre phénomène au lendemain du sacrifice. Beaucoup ont constaté une couleur noirâtre sur la viande de leurs moutons. Le ministère de l’Agriculteur avait incriminé l’aliment du bétail. La gendarmerie, elle, qui dispose de laboratoires spécialisés, avait déclaré qu’elle allait prendre en charge l’enquête. «Mais aucun résultat n’a été communiqué et aucune poursuite n’a été engagée», précise, sous couvert d’anonymat, une vétérinaire originaire de Médéa. «Il n’y a eu aucune précision sur le phénomène. On avait juste décrit une viande noirâtre quelques heures après le sacrifice. Les bêtes paraissaient pourtant en bonne santé avant d’être abattues. La viande devenait fiévreuse et ne pouvait plus sécher», se rappelle-t-elle. Sur l’injection évoquée par les marchands, la vétérinaire répond : «Ils parlent de l’injection d’un corticoïde qui augmente le métabolisme de l’animal et l’engraisse. En tant que vétérinaire, je peux vous dire que notre déontologie nous l’interdit formellement car il s’agit là d’une opération de dopage.» Et d’ajouter : «La vente des médicaments injectables est interdite aux éleveurs. Elle n’est censée être administrée que par un médecin vétérinaire privé, ce qui n’est pas le cas tout le temps. Les éleveurs s’amusent malheureusement à administrer n’importe quoi aux animaux, sans aucun contrôle des autorités.» La vétérinaire n’est pas la seule à manifester son inquiétude, l’Association de protection du consommateur elle aussi tire la sonnette d’alarme. «Il est nécessaire d’exiger le certificat du vétérinaire, mais cela n’est pas suffisant. Les corticoïdes et les compléments alimentaires se vendent encore. Il y a une utilisation intense parfois, ce qui fait courir un danger au consommateur. Le pire, c’est qu’il n’y a aucun contrôle sur les résidus chimiques que peuvent contenir les viandes rouge et blanche. Ce qui complique la situation», prévient Mustapha Zebdi.   Contrôle Sachant que l’engraissement des bêtes existe, comment procède-t-on ? «Pour engraisser un mouton, il y a qu’une seule façon légale en donnant à l’animal une ration riche à base d’orge. L’Algérie ne dispose pas de laboratoires vétérinaires performants capables d’identifier des molécules chimiques, d’où l’intervention de la Gendarmerie nationale», confie-t-elle. Joint par téléphone, un cadre du ministère de l’Agriculture rassure : «Nous continuons à donner des consignes au consommateur et exigeons des éleveurs de consulter des vétérinaires. Ils (les éleveurs) sont sous le contrôle des autorités locales (communes et willayas) qui font, à mon humble avis, le nécessaire pour assurer le bon déroulement de l’opération. Il y aura aussi une opération d’inspection le jour de l’Aïd au niveau des différents abattoirs du pays. Je conseille aussi aux Algériens d’aller aux abattoirs car ces derniers disposent de laboratoires spécialisés.» Mustapha Zebdi reste sceptique et ce, malgré les assurances avancées par le représentant du ministère. «Les vétérinaires ne peuvent pas détecter tous les produits chimiques par un simple examen. C’est une bonne chose d’exiger un certificat, mais il ne faut pas se cacher la face : pour éviter le dopage des moutons, il faut exiger le bon de transaction commercial par le vendeur, ou à défaut une pièce d’identité barrée. Chacun de nous doit assumer ses responsabilités. Nous avons soumis ces deux propositions aux autorités, lesquelles n’ont jamais répondu», regrette-t-il. Contrairement à M. Zebdi, la vétérinaire pense qu’«il peut y avoir aussi des cas similaires cette année». Peut-on consommer une viande putréfiée ? «Il ne faut jamais consommer une viande putréfiée. De plus, il faut mentionner que certains anabolisants qui arrivent illégalement à travers nos frontières peuvent être cancérigènes pour l’humain. L’Etat doit prendre ses responsabilités dans ce dossier sensible», rappelle la vétérinaire n

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