La mise en œuvre de l’article 102 de la Constitution continue de miner les débats entre spécialistes et acteurs politiques. Reposée à nouveau suite au limogeage du Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, la déclaration de la vacance du pouvoir, exigée par des partis de l’opposition, devient, malgré sa constitutionnalité, problématique. Les modalités d’application de cet article codifiant les cas d’empêchement donnent souvent suite à des échanges houleux. Et des interrogations demeurent posées sur les raisons à l’origine de sa non-application. L’article 102 est-il inapplicable ? Quelle est l’autorité capable de lui donner un sens ? Alors que des acteurs politiques et l’opinion publique sont convaincus qu’il est quasi impossible de mettre en œuvre cette disposition, un autre avis vient d’être exprimé. Celui-ci impute l’entière responsabilité du blocage au Conseil constitutionnel. C’est ce que pense Noureddine Nemouche, professeur de droit. S’exprimant lors d’une rencontre-débat organisée, hier au siège du parti Jil Jadid, par l’UDS (un parti non agréé), il affirme que «l’idée selon laquelle la disposition contenue dans l’article 102 est inapplicable est fausse». Pour lui, c’est «l’institution que préside Mourad Medelci qui refuse d’appliquer un ordre du peuple algérien qui l’oblige à statuer sur le cas du Président, dont la maladie est avérée». Le Conseil constitutionnel reçoit l’ordre du peuple d’appliquer l’article 102. L’article 72 du règlement intérieur du Conseil constitutionnel stipule qu’il doit obligatoirement se réunir pour trancher le cas de la vacance du pouvoir, précise-t-il. Selon lui, le cas d’empêchement s’est confirmé, pourtant, à plusieurs reprises. «La première fois, c’était à l’occasion du transfert du président au Val-de-Grâce, où il a séjourné pendant 90 jours. A ce moment-là, le Conseil aurait dû se réunir, car la Constitution stipule que la vacance du pouvoir est déclarée au-delà de 45 jours d’absence du Président. Depuis cinq ans également, le chef de l’Etat n’exerce pas au siège de la Présidence qui est le lieu de travail que lui a fixé la loi. Cela veut dire qu’il est démissionnaire de fait», souligne l’enseignant, en accusant le président du Conseil constitutionnel d’avoir violé la volonté populaire. «En refusant de se réunir, le Conseil constitutionnel ne veut pas appliquer un ordre venant du peuple qui est la source du pouvoir. Son président et ses membres doivent démissionner, puisqu’ils n’ont pas respecté le serment qu’ils ont prêté», soutient-il. De son côté, Fodil Boumala, journaliste et activiste politique, abonde dans le même sens. Selon lui, la solution pour l’application de l’article 102 «réside dans la partie consacrée au peuple dans la Constitution». «C’est le peuple qui est le pouvoir constituant. Le pouvoir qui a piégé cet article a oublié la partie concernant le peuple dans la Loi fondamentale», explique-t-il. «L’utopie de la constitution» Intervenant par la même occasion, l’avocat et militant des droits de l’homme, Mustapha Bouchachi, estime que «le Conseil constitutionnel doit, moralement et politiquement, appliquer l’article 102». Enseignant de droit, Mustapha Bouchachi rappelle notamment les objectifs des régimes ayant élaboré les différentes Constitutions du pays. «Ces Constitutions ont été élaborées par les régimes dictatoriaux pour la consommation externe. De ce fait, l’article 102 a été élaboré pour qu’il ne soit jamais appliqué», lance-t-il. Pour lui, le principal écueil à son application est la composante des membres du Conseil constitutionnel. «Ses 12 membres sont désignés et dépendent financièrement de la Présidence qui leur verse les salaires. Pour qu’ils se réunissent, ils doivent être convoqués par le président du Conseil. Pour la réunion concernant l’application de l’article 102, le président du Conseil n’a pas le droit de déléguer la présidence à une tierce personne. A cela, il faut ajouter aussi que pour décider de vérifier l’état d’empêchement, les membres du Conseil constitutionnel doivent l’accepter à l’unanimité. Toutes ces conditions ont fait que l’article 102 ne sera jamais appliqué», tranche-t-il.
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