mardi 3 octobre 2017

«Nous avons accusé du retard dans nos réformes économiques et politiques»

Ancien ministre et ancien président de l’Assemblée populaire nationale, M. Ziari ne renie rien de sa «loyauté à Bouteflika». «J’ai soutenu le 4e mandat car ce qui se tramait pour sa succession risquait de nous entraîner dans l’aventure», accuse -t-il, sans rien révéler sur la nature de ce complot. Au Premier ministre Ahmed Ouyahia, il apporte un soutien franc, mais assorti tout de même de conditions. «Son programme pourra tenir la route s’il s’inscrit dans la perspective d’une refonte globale de l’économie», prévient-il. - Comment appréciez-vous cette valse à la tête du gouvernement qui s’est emballée depuis le 4e mandat de Bouteflika et le retour d’Ahmed Ouyahia aux affaires ? L’alternance à ce poste s’opère entre des hommes du sérail réputés tous proches du Président. Partagez-vous le sentiment de ceux qui mettent ces changements sur le compte de la lutte des clans au sein du pouvoir pour la succession ? Dans les moments difficiles en particulier, il n’y a rien d’anormal à changer après des législatives un gouvernement qui s’essouffle. L’intermède Tebboune était à mon avis une erreur de «casting» dès le départ et cela est apparu très vite comme tel. Il vaut mieux une décision rapide de changement, plutôt qu’un pourrissement de situation dans une phase aussi délicate pour l’économie. On se pose toujours la question «pourquoi est-il parti ?» au lieu de «pourquoi est-il venu ?». Ces changements ne reflètent aucune guerre de clans pour la simple raison qu’à l’exception de Belkhadem et Ouyahia, le choix des premiers ministres s’est fait sur des hauts fonctionnaires qui n’ont ni base politique ni assise populaire suffisamment conséquente. Je crois que cette pseudo-guerre des clans fait partie des mythes qui alimentent l’imaginaire d’une partie de la presse. - Le limogeage de Tebboune est pourtant intervenu suite à ses déclarations et opérations coup-de-poing contre l’affairisme et les oligarques... Vous admettrez que c’était d’une maladresse rare à ce niveau de responsabilité. Une orientation à caractère général ne doit pas être abusivement personnalisée. Il y a une grosse différence entre argent sale et prédation d’un côté, et enrichissement licite de l’autre. Le FCE est un partenaire social important. Les autres raisons de ce limogeage, je ne les connais pas, et il y en a sûrement. - Le Parlement vient d’adopter le plan d’action du nouveau gouvernement conduit par Ahmed Ouyahia. Pensez-vous que le nouveau Premier ministre est l’homme de la situation et que sa feuille de route est viable pour faire face à la menace de la faillite qui plane sur le pays ? J’ai déjà eu l’occasion de dire que parmi les membres de la classe politique qui soutiennent l’action du chef de l’Etat et ont toute sa confiance, Ouyahia est la personnalité idoine. N’oubliez pas également qu’il est responsable du deuxième grand parti du pays qui a fait un excellent score aux législatives. Son plan d’action pourra tenir la route s’il s’inscrit dans une perspective plus globale de refonte de l’économie nationale pour rompre avec la tentation populiste et la stigmatisation du secteur privé. En matière de financement de l’éonomie, un choix a été fait. Le proche avenir dira si c’est le meilleur. Ma seule crainte est que si le prix du baril de pétrole se remet à chuter, nous irons malgré tout aux emprunts extérieurs, c’est-à-dire reculer pour mieux sauter. Mais je reste optimiste. - Comment avez-vous trouvé ses réponses devant les députés ? Réalistes ? Populistes ? Je crois que ses réponses étaient empreintes de réalisme tout en sachant que sa marge de manœuvre est étroite. Un peu de populisme devant le Parlement ne fait pas de mal à condition qu’il n’y en ait plus sur le terrain. Je crois avoir constaté que c’est le moins populiste de nos responsables. En la matière, il y a beaucoup mieux, comme vous avez dû le constater, de véritables ténors du populisme. - L’opposition en a eu pour son grade. Les propos, la violence du verbe et du ton du Premier ministre à l’encontre de l’opposition ont été mal appréciés par celle-ci. Comment expliquez-vous l’accent guerrier et belliqueux du Premier ministre face à l’opposition devant l’Apn ? Je pense qu’il a été vexé par les propos quasi diffamatoires d’une partie de l’opposition et qu’il a répondu à l’«algérienne» sur le même ton, à la demande de sa majorité. Ces anicroches s’oublieront vite devant la dure réalité et ses contraintes. - La maladie du Président qui s’est aggravée durant ce 4e mandat cristallise les débats de l’opposition et d’une partie de l’opinion. Vous avez personnellement soutenu sa candidature. Quel bilan faites-vous de ce mandat au vu de tous ces clignotants de l’économie et de la santé du pays qui virent au rouge ? Vous parlez d’une aggravation de l’état de santé du président Bouteflika dont nous n’avons pas eu connaissance ni moi ni tout le peuple algérien, et ce serait extrêmement grave qu’on puisse le cacher. Aussi, je ne crois pas à cette aggravation jusqu’à preuve du contraire. Bien sûr, j’ai effectivement soutenu la candidature du Président pour ce 4e mandat, d’une part par loyauté personnelle, mais aussi parce que ce qui se tramait pour sa succession était très loin des espérances du peuple algérien et risquait de nous entraîner dans l’aventure. Une malédiction semble peser sur nos têtes : toutes les successions se font dans l’improvisation et la crise. - Et qu’est-ce qui se tramait donc ? Je me réserve d’y répondre dans un livre que je prépare. Quant aux clignotants de l’économie dont vous parlez, vous admettrez avec moi que la chute du prix du pétrole n’a strictement rien à voir avec la santé du Président. Il est exact, cependant, que le modèle économique algérien devra être reconfiguré pour rattraper notre retard et éviter cette récurrente crise de financement. - La chute du prix du pétrole n’a rien à voir avec la santé du Président, mais qui est responsable des contre-performances de l’économie et de la faillite annoncée du pays ? N’y a-t-il pas aussi un problème de mal gouvernance ? Pour ce qui est du bilan, vous savez bien qu’il y a ceux qui voient la partie vide du verre et ceux qui, comme moi, voient la partie pleine. Mais je vous ai dit que nous avons pris du retard dans nos nécessaires réformes économiques et politiques et j’ai toujours cité en exemple la Malaisie et le Vietnam qui, partis de plus loin que nous, ont fait des progrès considérables. - Comment va votre parti, le Fln ? Il n’y a qu’une seule voix qui s’exprime, c’est celle de la direction politique en place. La crise qui a secoué le parti est-elle derrière vous ? Vous plaisantez je suppose quand vous dites que la crise du FLN est derrière nous. Cette crise est devenue chronique avec des poussées aiguës au moment des élections. Pourquoi ? Parce que le parti est devenu un simple appareil électoral. Cette crise a commencé après l’avant-dernier congrès et s’est compliquée d’une crise de légitimité de la direction qui dure jusqu’à ce jour. On ne devient pas premier responsable de ce grand parti par le simple privilège de l’âge. C’est valable pour quelques semaines au plus. Avec ou sans cela, de toutes les manières le parti abesoin d’un vrai congrès politique, pas d’un congrès d’acclamations et de youyous. Un congrès afin de redéfinir sa stratégie d’avenir pour l’adapter définitivement au pluralisme et introduire les pratiques démocratiques en son sein, de la base au sommet. Il a été sauvé in extremis par l’arrivée du président Bouteflika au pouvoir. Je crains qu’il ne sombre après son départ. Quant à la prétendue réconciliation interne, je savais bien que c’était un leurre auquel je m’étais prêté de bonne grâce pour que l’échec électoral ne puisse pas nous être attribué pour avoir refusé cette réconciliation. - Vous ne faites pas partie du panel des personnalités du Fln auxquelles le secrétaire général, le Dr Ould Abbès, a fait appel pour renforcer la commission de candidatures du parti aux élections locales. Comment avez-vous ressenti cela ? Nous sommes devant des combats de coqs qui n’ont rien à voir avec les préoccupations de nos concitoyens, lesquels observent cela avec tristesse. Pour reprendre une expression populaire, pour les Algériens : «C’est Moussa Hadj, Hadj Moussa.» Comment peut-on dans le plus grand pays d’Afrique décider à partir de la capitale qui sera candidat dans les communes ? C’est en soi significatif de leur manque de respect pour les cadres et militants de ce parti et de leur conception de la démocratie interne.       

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