vendredi 26 février 2016

Les dessous de l’affaire de l’assassinat du jeune boxeur Hamza Benserai

L’affaire du jeune boxeur Hamza, assassiné à Bordj El Kiffan, a choqué l’opinion. Retour sur une affaire criminelle qui a laissé des traces douloureuses. «Je ne pardonnerai jamais aux assassins de Hamza. Ce sont des dealers et des violeurs de fillettes qui ont longtemps sévi au su et au vu de tout le monde.» Saïd Ben Seraï, 59 ans, père du jeune boxeur Hamza, assassiné en plein jour à coups de couteau et de marteau, le 14 février dernier à Bordj El Kiffan dans l’est d’Alger, peine encore à accepter la cruelle disparition de son fils. «Hamza avait réussi à récupérer tous les jeunes du quartier en les convainquant de faire de la boxe. Il était aimé de tous. Il leur conseillait d’abandonner la drogue pour ne pas finir comme ces dealers qui ont fait de nos douars des zones de débauche et de délinquance, s’indigne Saïd qui tente, en vain, de retenir ses larmes devant ses cinq fils présents. Son comportement exemplaire avait déplu à certains, surtout à ce groupe de malfaiteurs. Il est devenu leur ennemi juré. Ces assassins ont fini par le tuer.» Hamza Ben Seraï, 27 ans, au parcours exemplaire avec ses 36 titres, était champion d’Algérie de boxe dans la catégorie des cadets. Sa carrière s’achève en 2011 au Mouloudia d’Alger, un club qu’il quitte pour un problème de santé. «Hamza saignait souvent du nez», raconte son père. Dès lors, son ancien entraîneur, Mohamed Guellal, l’homme qui l’avait découvert à l’âge de 8 ans, lui propose de suivre une formation d’entraîneur à Alger. Piège Au Club sportif El Bahia où Hamza a connu la gloire du ring, Mohamed Guellal, 64 ans, montre d’une main tremblante les photos de son élève : «Il passait toutes ses après-midi, après la fermeture de son magasin de textile qu’il gérait pour le compte de sa famille, à entraîner 70 jeunes. C’était un battant. Il avait réussi à former trois champions d’Algérie en boxe. C’était lui qui me remplaçait dans tous nos déplacements. C’est une grande perte pour tout Bordj El Kiffan et pour la boxe en général», regrette-t-il. Il était 10h40 ce 14 février. Hamza était dans son magasin en compagnie de son ancien entraîneur Mohamed venu lui rendre une courte visite. Ce dernier ignore encore qu’il n’allait jamais le revoir. Son oncle paternel, Brahim, raconte : «C’était une femme qui l’avait appelé au téléphone. Elle lui avait demandé de se dépêcher afin de sauver son petit frère, Oualid, qui se faisait tabasser, selon elle, par cette bande dans un quartier voisin, Ben Djaïda 6, à quelques centaines de mètres seulement de chez nous. C’était, en fait, un piège.» A Bordj El Kiffan, les habitants sont toujours sous le choc. Ils ne sont pas près d’oublier l’image du défunt, baignant dans son sang, abandonné par terre par ses agresseurs. «J’ai vu son corps couvert d’un drap rempli de sang. Nous avons tout fait pour l’emmener à l’hôpital, en vain. Il fallait attendre la police scientifique», déclare Noureddine, 36 ans. Plainte Le groupe en question est composé, selon les témoignages recueillis sur place, de quatre personnes. Leurs noms, connus de tous ici, sont souvent accompagnés de pseudonymes. «Trois d’entre eux ont l’âge de Hamza, affirme Noureddine. Il y a Moh Layali et Bilal Chaoui qui ont été interpellés le jour-même par la police, et aussi le présumé assassin, Kouider Dandou, en fuite avant qu’il ne soit appréhendé 48 heures plus tard par les services de la sécurité aux frontières algéro-marocaines. Le dernier, leur chauffeur, s’appelle Rachid Soudeur, la cinquantaine. Il n’était pas présent le jour du crime selon ce qui se dit. Il a été arrêté, quant à lui, la semaine dernière par les habitants à Harraoua et a été directement mis entre les mains des services de sécurité.» La famille Ben Seraï assure que deux plaintes ont été déposées auprès du commissariat de Bordj El Bahri contre les membres de ce groupe. La première, selon elle, le 19 janvier dernier par le père. Quant à la deuxième, déposée par le défunt en personne suite a une altercation entre lui et le présumé assassin, le 26 du même mois, soit 22 jours avant le drame. «La plainte a été appuyée par un certificat médical délivré par un médecin légiste, insiste Saïd. De plus, les assassins avaient 27 autres affaires en suspens, selon nos informations.» Dans le certificat en question, Hamza avait bénéficié de huit jours de repos. Mais il n’était pas le seul à s’adresser à la police, car deux jours plus tard une autre plainte a été déposée contre le même groupe au commissariat de Bab Ezzouar. Le plaignant, Zohir Houari, 37 ans, est un cousin éloigné de la famille Ben Seraï. Déclaration faite sur «procès-verbal», selon Zohir, où il avait affirmé qu’il s’est fait «séquestrer et torturer dans la nuit du 27 janvier avec un ami à lui par ce même groupe qui nous a dépouillés de notre argent (voir encadré)». Deux plaintes en l’espace de deux jours qui n’ont eu aucune suite, selon la famille du défunt. «N’était-ce pas suffisant pour les interpeller ?», s’interroge-elle. «C’est la procédure qui prend du temps ; le dépôt de plainte est suivi dans ces cas par un transfert au parquet, et cela peut prendre du temps. C’est ce qui s’est passé dans cette affaire», précise une source du parquet d’Alger. Parquet Pour la sûreté de la wilaya d’Alger, l’affaire de l’assassinat de Hamza n’était qu’«une simple altercation qui a mal tourné». Le commissaire Ahmed Nacer Belkacem, chargé de communication de la sûreté de la wilaya, affirme à El Watan Week-end que ses services ont appréhendé «cinq personnes» et non quatre comme cela a été annoncé par la famille de la victime. «Elles ont toutes été présentées au parquet», déclare-t-il.  «L’opération a été efficacement accomplie. Nous services ont interpellé en un temps record le présumé auteur du crime qui était en fuite pendant 48 heures. Quant aux autres, les quatre personnes présumées co-auteurs, ils ont été tous interceptés pour avoir aidé le présumé auteur à prendre la fuite», affirme le commissaire. L’un des frères du défunt, Abdelghani, 29 ans, appelle à l’ouverture d’une enquête sur le commissariat de Bordj El Bahri qui «n’a pas pris au sérieux», selon lui, les plaintes déposées. «L’Etat est totalement absent ici. Nous revendiquons la justice pour mon frère et de la protection pour ma famille. Le présumé auteur du crime a deux frères en prison, dont un va être libéré dans trois mois. Sa famille parle déjà de vengeance après sa libération», craint Abdelghani. Quant à la suite de l’affaire, le commissaire Ahmed Nacer Belkacem affirme qu’elle est aujourd’hui entre les mains de la justice.  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire