mercredi 6 avril 2016

La valse-hésitation de la communauté internationale

D’un côté, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prévient que le Panama file un mauvais coton, de l’autre le Groupe d’action financière sur le blanchiment des capitaux (GAFI), l’institution luttant contre le blanchiment d’argent, retire le pays latino-américain de sa liste grise : la valse-hésitation de la communauté internationale démontre les difficultés à organiser la lutte contre l’évasion fiscale. Sans attendre d’éventuelles nouvelles mesures internationales contre le Panama, la France a décidé hier de réinscrire ce pays dans sa liste de paradis fiscaux, d’où il avait été retiré en 2012. Pourtant, moins de deux mois avant les révélations des Panama Papers, le ministre de l’Economie du pays latino-américain, Dulcidio de la Guardia, avait fêté comme un «triomphe» sa sortie de la liste grise du GAFI, basé à Paris. Sur une vidéo mise en ligne par l’ambassade du Panama, le secrétaire exécutif du Gafilat, l’antenne latino-américaine de l’institution, l’Argentin Esteban Fullin, félicitait alors le Panama «pour tous les progrès accomplis». Cette sortie de la liste du GAFI, créé en 1989 pour lutter contre le blanchiment d’argent et hébergée par l’OCDE, est «révélatrice de la faiblesse des critères pris en compte», a déploré Manon Aubry, porte-parole de l’ONG Oxfam France sur les dossiers fiscaux. Cette institution, à laquelle le G20 a donné la mission en novembre de se pencher sur la lutte contre le financement du terrorisme, «donne des indications, mais pas une vision exhaustive», regrette-t-elle. Interrogé par l’AFP, le GAFI a répondu que «le gouvernement panaméen avait récemment pris des mesures pour faire face à ses déficiences dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme» et précisé que le Gafilat avait prévu de mener une mission d’évaluation sur place l’année prochaine. Du côté de l’OCDE, ses responsables ne cachent pas leur agacement avec le Panama. «Ce pays a une stratégie qui consiste à faire de petits progrès pour essayer d’arracher sa sortie des listes grises», a expliqué à l’AFP le directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE, Pascal Saint-Amans. l’OCDE ferme les yeux Il en veut pour preuve que le pays latino-américain s’était engagé, avant le G20 d’Antalya en novembre dernier, à pratiquer l’échange automatique d’informations, l’une des conditions requises par l’OCDE pour qu’un pays ne soit pas considéré comme un paradis fiscal. Mais les autorités panaméennes sont revenues sur leurs décisions après le sommet. «Elles nous ont dit que nous n’étions pas légitimes. En février, lors du G20 Finance de Shanghai, nous l’avons donc signalé», a expliqué M. Saint-Amans. «Le Panama a fait un pied de nez à l’OCDE en lui disant : ‘Cause toujours tu m’intéresses’», a affirmé Manon Aubry, qui dénonce le manque de moyens des institutions internationales pour contraindre les différents pays à respecter les règles. «On a laissé le Panama prospérer tranquillement dans son coin. L’OCDE les a certes rappelés à l’ordre plusieurs fois, mais à partir du moment où il n’y a pas de sanction économique...», constate la porte-parole d’Oxfam. M. Saint-Amans est convaincu que le pays latino-américain est «le dernier des Mohicans» en matière d’évasion fiscale.  

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