mercredi 6 avril 2016

«Le Fisc algérien doit engager un audit fiscal approfondi»

L’avocat Nasreddine Lezzar revient sur l’affaire Panama Papers révélée lundi, dans laquelle le nom du ministre de l’Industrie et des Mines est cité. Selon lui, «Bouchouareb doit s’expliquer et fournir des preuves» à l’opinion publique. En Algérie, comme dans d’autres de pays du Tiers-Monde, de nombreux noms ont été cités. Parmi eux, il y a d’abord le ministre de l’Industrie et des Mines, Abdessalem Bouchouareb, qui a créé, selon les documents révélés, une société offshore en 2015. Quel est votre commentaire ? Un ministre de la République doit avoir le souci de sa probité et de son image ; il y va de la respectabilité des positions et des fonctions publiques. Ce qui est permis aux détenteurs privés de capitaux ne l’est pas pour ceux qui gèrent les capitaux publics. Le chargé d’affaires de Bouchouareb a déclaré que celui-ci lui a demandé de geler les activités de sa société depuis qu’il est ministre. C’est trop honnête pour être vrai. En tout cas, si cette information est vérifiée, je m’inclinerais bien bas ou plutôt je me prosternerais devant autant de grandeur éthique. Il est aussi paradoxal de laisser un gestionnaire d’affaires s’expliquer devant tant de gravité. Le ministre doit s’exprimer lui-même et présenter des preuves à l’opinion publique. Un soupçon de fraude ou d’évasion fiscale a fait démissionner un ministre du Parti socialiste français. De plus, l’opprobre s’est abattu sur lui au sein de son parti, où il est devenu «celui qu’on ne nommait plus». Que dit la législation algérienne à ce sujet ? La constitution d’une société offshore n’est pas un délit en soi. Elle ne le devient que si l’origine des capitaux investis est un vol, un recel, un détournement, une corruption ou une évasion fiscale. Cependant, il faut dire que même s’il n’est pas établi que les capitaux d’une société offshore ont une origine frauduleuse, l’objectif de sa création est manifestement douteux. On investit dans les sociétés offshore les capitaux ayant une provenance malsaine : la drogue, les détournements, les paris…. Ces sociétés sont de véritables lessiveuses, des machines à blanchir l’argent sale. Tout comme l’origine des capitaux, les motivations de la création d’une société offshore ne peuvent être que malsaines. L’objectif principal est une évasion fiscale dans la mesure où la société ne paye pas d’impôt dans le pays où elle est active et presque pas dans le pays où elle est immatriculée. Des proches de l’ancien ministre de l’Energie et des Mines, Chakib Khelil, sont également cités. Le nom de Farid Bedjaoui, par exemple, apparaît dans 17 sociétés offshore. Ces dernières ont-elles un lien avec l’affaire Sonatrach 2 ? Je ne peux pas affirmer que ces sociétés ont une relation avec l’argent de Sonatrach. Je n’ai pas d’élément d’information et la traçabilité des fonds n’est pas facile à faire. Cependant, l’implication des mêmes personnes dans l’affaire Sonatrach et dans les sociétés offshore permet de supposer qu’il y a un lien entre les deux. L’affaire Sonatrach a été jugée en l’absence de Chakib Khelil, qui a été cité à maintes reprises. Par ailleurs, les faits reprochés l’ont été manifestement durant la période où il était ministre, donc d’une façon ou d’une autre, sa responsabilité est engagée. Il est aussi paradoxal qu’un ministre ne se sente pas interpellé par des scandales qui concernent son département. Le sens de la responsabilité aurait dû pousser Chakib Khelil à se présenter de lui-même pour apporter son concours à la manifestation de la vérité et aussi pour laver sa personne des soupçons, fondés ou non, qui pèsent sur lui. Quant au lien de ces sociétés avec l’affaire Sonatrach, je ne saurais répondre à cette question. Est-ce que des poursuites risquent d’être engagées en Algérie s’il y a confirmation ou soupçon de cas de fraude par rapport au fisc, par exemple ? Absolument. Le chargé d’affaires de Bouchouareb soutient que l’argent investi provenait de ses activités industrielles. Cette assertion est défendable, mais il me semble que le fisc algérien devrait procéder à un audit fiscal approfondi pour vérifier la concordance de ses rentrées avec ses charges fiscales. Et la lumière sera faite sur la provenance des capitaux.

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