lundi 24 avril 2017

Un phénomène diversement apprécié

A en juger par la constante mobilisation pour les marches du MAK en Kabylie et dans la diaspora à Paris, le mouvement donne l’air de prendre du muscle avec le temps. Il semble attirer beaucoup plus la frange juvénile, principalement rurale, qui affiche ouvertement son envie de «séparatisme» et son hostilité vis-à-vis de l’Etat-nation algérien. Sadek Akrour, ancien animateur du MCB et militant du PST, fait part de ce qu’il pense être derrière le ralliement du MAK par une partie de la jeunesse kabyle : «Les jeunes qui sont dans le MAK sont sincères et nous les comprenons. Je les compare à ceux qui ont marché un temps avec le RCD et le FFS, croyant que ces partis étaient réellement pour tamazight et que, finalement, ils se sont rendu compte qu’il n’en est rien.» Sadek Akrour soutient d’ailleurs qu’on en parle de façon décomplexée et rationnelle. «L’autonomie, l’indépendance, l’Etat-nation..., ce sont des questions politiques qui doivent être posées et l’APN est l’endroit idéal pour en débattre pacifiquement entre les forces politiques et d’une façon scientifique et rationnelle.» Au MAK, on estime que s’il y a «mobilisation» autour de lui, c’est qu’il propose réellement une alternative. Les arguments puisent leur substance dans «l’échec de l’Etat-nation algérien» et le particularisme régional. «Les gens ont compris que l’Algérie est une impasse et c’est elle l’utopie et non l’Etat kabyle. Les mouvements conduits par la Kabylie depuis 1962 portent tous un projet de société (laïcité, berbérité, démocratie, modernité…). Pour ceux qui en doutent, la Kabylie s’est distinguée dans toutes les élections et, dans les années 1990, elle était la seule à n’avoir voté ni pour le FIS ni pour le pouvoir. Les revendications kabyles n’ont pas fédéré le reste des Algériens pour l’unique raison que ceux-ci ne s’y identifient pas et ils sont dans leur droit», nous dit Yidir Oulounis, ancien conseiller du président du MAK. Djamel Zenati a récemment expliqué, pour sa part, le basculement d’une partie des jeunes Kabyles dans le MAK comme un «repli» sur soi qu’il a expliqué comme étant «le reflet du repli d’une caste sur le pouvoir», conséquence, selon lui, «de l’impasse politique en Algérie». S’inscrivant à l’opposé de Ferhat Mehenni, Sadek Akrour soutient que «quand nous étions sous l’occupation française, c’était légitime de parler d’indépendance, mais parler aujourd’hui de l’indépendance de la Kabylie, ça n’a aucun sens. En Kabylie, nous ne sommes ni une minorité ni une majorité, mais une composante de l’ensemble amazigh qui va de l’oasis de Siwa jusqu’en Mauritanie», dit-il. Il pointe du doigt le pouvoir qui, selon lui, encourage la radicalisation : «Le pouvoir pousse à l’aliénation et à l’extrême pour noyer l’expression réelle du combat amazigh.» Il charge par ailleurs les intellectuels et les universitaires dont la «faillite» et la «démission» contribuent à faire le lit à cette aliénation. Défenseur de l’idée d’une confédération nord-africaine des Etats amazighs, le militant de gauche propose comme solution à cette aliénation d’«arrêter l’arabisation, l’islamisation et la paupérisation des Kabyles et de tous les peuples amazighs pour leur permettre de s’émanciper».  Les envolées du MAK à chaque date symbole l’imposent dans le débat et de plus en plus dans le champ politique. Alors que certains condamnent en y voyant «un danger», d’autres applaudissent et y voient la solution. Ce mouvement, au-delà de la question du pour et du contre, pose celle du développement et de la réorganisation de l’Etat. Un souhait qui prend la forme de la régionalisation chez le RCD, par exemple. Il est clair que le tout-répressif ne résoudra rien, ni même l’approche culturaliste consistant à récupérer les dates symboles pour les folkloriser que les autorités semblent adopter depuis quelque temps. Les deux méthodes ne servent réellement qu’à éluder la question politique et socioéconomique, le seul vrai mal de l’Algérie. 

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